Février 2007

Editorial "A propos du Salon 2007"
par Nonna Mayer, Présidente de l'AFSP

 

Le Salon des thèses a 6 ans. Quand nous l’avons lancé en 2001 avec Pierre Muller et Michel Offerlé, l’objectif était triple. Valoriser et faire connaître les thèses de science politique, créer un lieu de rencontres entre docteur(e)s, doctorant(e)s et candidate(es) à la thèse, réfléchir ensemble, aux stratégies professionnelles et aux débouchés qu’elle peut offrir et, en amont, aux financements pour ceux et celles tentés par l’aventure. Quel bilan tirer du salon 2007 dans ces trois domaines ?

Le salon a rassemblé environ la moitié des thèses soutenues en science politique dans l’année précédente, soit 39 inscrites sur les 76 recensées par la base de données Antarès du Ministère de l’enseignement supérieur et à la recherche. Un bilan détaillé croisant les données de l’AFSP et d’Antarès, réalisé en collaboration avec la présidente de l’AECSP, Frédérique Matonti, sera bientôt disponible sur le site. Les grandes tendances observées dès 2001 se confirment : féminisation croissante des docteur(e)s ; domination des universités parisiennes, et notamment de 3 institutions, l’IEP de Paris, Paris I et l’EHESS, qui produisent plus de la moitié des thèses soutenues ; en termes de sous disciplines, quasi disparition de la pensée politique contrastant avec le dynamisme des politiques publiques, de la sociohistoire et des aires culturelles ; ouverture sur le monde, l’Europe et la comparaison, un tiers seulement des thèses inscrites au Salon ne portant que sur la France. On note enfin les manques, quasi absence de la sociologie électorale et des modèles du choix rationnel, ainsi que des thèses appuyées sur une méthodologie quantitative, qui dénotent un décalage préoccupant par rapport aux champs investis par la science politique internationale.

La question des débouchés de la thèse en science politique et en particulier les débouchés non académiques — entreprises, administrations, presse, édition, ONG — a été au cœur des débats cette année. Les éclairages sur la situation dans d’autres pays, comme l’Allemagne, représentée cette année par la présidente de l’Association allemande de sciences politique, Suzanne Schüttemeyer, ou les Etats Unis, les témoignages d’anciens docteurs qui ont trouvé un emploi dans des administrations ou des entreprises, incitent à un certain optimisme. Faire une thèse ne donne pas seulement une expertise parfois très pointue, sur un pays, un terrain, un problème, mais au delà, elle forge des compétences intellectuelles généralistes " transférables " hors du champ universitaires : maîtrise d’une ou plusieurs méthodes (dépouillement d’archives, entretiens, statistiques, observation participante), profondeur théorique, capacités de synthèse, maîtrise de l’écriture. Il est temps de se battre pour faire reconnaître le doctorat dans les conventions collectives, changer la perception qu’a des universitaires le monde de l’entreprise mais aussi l’image que l’Université et la recherche ont des entreprises. Il y a aujourd’hui une prise de conscience réciproque du problème et le prochain Salon fera un effort tout particulier en direction des entreprises.

Troisième défi, le financement des thèses et en amont, l’un conditionnant l’autre, le choix des sujets, qui devraient être à la fois porteurs, en phase avec la " demande sociale ", et ancrés dans la discipline et ses controverses. Comme l’a souligné Pascal Cauchy, Secrétaire général de l’école doctorale de Sciences Po, 75% des thèses financées débouchent sur une soutenance, contre la moitié de celles qui n’ont pas trouvé de financement [ rectificatif : lire ici... ] A cet égard le Salon a permis d’explorer la piste des contrats Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche) en plein essor puisque on en comptait une cinquantaine par an en 1981, 1150 en 2006 et l’objectif dans les années qui viennent est d’atteindre les 2000. A la différence des nombreuses libéralités que traque à juste titre l’ANCMSP, qui n’ouvrent à aucun droit social, la convention Cifre est un contrat de travail entre une " structure ", pas nécessairement une entreprise, et un laboratoire de recherche, qui permet une double formation à la recherche et à la vie professionnelle, décuplant les chances de trouver un emploi. Cela suppose de définir en amont, dès la première année de master, les sujets susceptibles de rentrer dans le cadre d’un contrat Cifre et de prospecter les structures intéressées. Un des objectifs du prochain Salon sera d’associer les directeurs et directrices de thèse à cette réflexion.

Merci encore à tous ceux et toutes celles qui ont accepté de participer à cette entreprise. Les interventions figureront bientôt sur le site. Et n’hésitez pas à nous faire part de vos réflexions, critiques et suggestions pour le Salon de l’année prochaine !

 

 

Rectificatif : Précisions communiquées par Pascal Cauchy à propos du taux de soutenance des thèses non financées à l'école doctorale de l'IEP de Paris sur la période 1995-2005 : il est de 27 % (le taux de 52% évoqué lors du salon et dans l'éditorial ci-dessus ne concerne que les thèses 2005).