Editorial Automne 2008

Renforcer l’internationalisation de la science politique française

La marginalisation de la science politique française dans l’espace scientifique international est un constat récurrent au sein de la discipline. Les archives virtuelles de l’AFSP, qui seront accessibles en 2009 à l’occasion du 60ème anniversaire de sa création, montrent que, dès 1968, Jean Touchard s’inquiétait de l’absence de visibilité la science politique française dans les colloques internationaux, de son isolement, de sa faible influence sur les paradigmes et cadres conceptuels de la discipline, comparée à celle des collègues anglo-saxons. Son inquiétude reste d’actualité. Aujourd’hui encore on ne trouve par exemple aucun auteur français dans les Oxford Handbook of Political Behavior (Klingemann et Russell, 2007), nos revues et nos départements universitaires sont à la traîne dans les classements internationaux, et l’effort est insuffisant dans le domaine crucial de l’apprentissage des méthodes : il n’y avait que 5 Français sur 250 dans l’école d’été de l’ECPR : « ECPR Summer School in Methods and Techniques », qui s’est déroulée à Ljubljana du 1er au 16 août 2008, alors que l’on comptait 9 italiens, 11 belges, 12 espagnols, 19 suisses et 23 allemands (lire le bilan de Bruno Cautrès).

Pour enrayer ce processus, l’AFSP ouvre trois chantiers.

1°/ Sous l’impulsion de son nouveau directeur, Yves Déloye, qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2009, la Revue française de science politique prépare une mue complète, avec en particulier le lancement probable d’une version anglaise en ligne, en plus de la version française papier. Ce sera le moyen d’élargir notre audience et d’accueillir d’autres types d’articles, de nouvelles problématiques, tout en faisant mieux connaître et diffuser les nôtres hors des frontières de l’Hexagone et du monde francophone.

2°/ En partenariat avec les autres associations européennes et, en particulier, la toute nouvelle ECPSA (Confédération européenne des Associations de science politique), nous allons tenter d’élaborer une grille d’équivalence de nos titres professionnels, pour mettre de l’ordre dans la jungle de nos appellations nationales et en trouver le meilleur équivalent possible en anglais. Comme le sait quiconque a essayé d’expliquer à ses collègues étrangers ce que veut dire « maître de conférence » ou « directrice de recherche au CNRS », c’est évidemment bien plus qu’un problème de traduction, plutôt une réflexion croisée sur nos traditions, nos institutions, nos conceptions mêmes de la recherche et de l’enseignement.

3°/ Le troisième chantier, le plus vaste, est celui de l’évaluation de la recherche en sciences sociales. Un vif débat s’est ouvert autour des classements bibliométriques mis en œuvre à l’AERES sur le modèle de l’European Reference Index for the Humanities. L’AFSP a fait connaître sa position (communiqué du 14 octobre 2008). De nombreux articles font le point sur les méthodes d’évaluation, leurs avantages et limites respectifs, notamment le numéro d’octobre du BMS (Bulletin de méthodologie sociologique), avec un dossier sur la « Fièvre européenne d’évaluation de la recherche dans les sciences sociales » avec des articles d’Yves Gingras (UQAM), Laurence Coutrot (CMH-CNRS) et François Briatta (ANCMSP). On n’échappera pas à une auto-évaluation de nos pratiques, sinon d’autres la feront pour nous. Encore faut-il mettre au point des indicateurs cohérents, transparents, adaptés aux disciplines et aux parcours professionnels des uns et des autres. Nous allons lancer dans le courant de l’année 2009 une enquête globale sur nos évaluations et usages des revues en science politique, ouverte à toutes et à tous, en concertation avec les autres associations européennes. Rappelons que parallèlement trois autres enquêtes sont en cours sur la profession, à l’initiative de chercheurs français et canadiens, que nous vous présenterons très prochainement. Ce regard réflexif sur notre discipline est indispensable. Il sera au cœur de la programmation des Conférences plénières que nous vous proposerons au moment de notre Congrès de Grenoble (7-9 septembre 2009).

Pour terminer sur une note optimiste, il y a des signes encourageants qui montrent que la science politique française s’affirme dans l’espace scientifique international. On en prendra pour preuve la participation record enregistrée cette année dans trois manifestations internationales d’envergure, dont deux sur le sol français. Au programme des 38ème Joint Sessions de l’ECPR (European consortium for political research) qui, grâce à Eric Neveu se tenaient à l’IEP de Rennes du 11 au 16 avril, on comptait 40 Français, 32 à la conférence annuelle de l’ISPP (Société internationale de psychologie politique) qui se tenait à Sciences Po Paris du 9-12 juillet 2008, et 33 au Meeting annuel de l’APSA qui se tenait à Boston du 28 au 31 Août, avec une forte représentation des neuf IEP (respectivement 32, 13 et 17 participants).

Ne nous arrêtons pas en si bon chemin, c’est maintenant qu’il faut proposer communications et panels pour les Joint Sessions de l’ECPR (Lisbonne, 14-19 avril 2009), pour le Congrès de l’IPSA (Santiago, 12-16 Juillet 2009), pour la Conférence annuelle de l’APSA (Toronto, 3-6 Septembre 2009) sans oublier, bien sûr ; le 10ème Congrès de l’AFSP à Grenoble, du 7 au 9 septembre 2009 couplé à la 3ème édition du Congrès international des associations francophones de la discipline (C4P) !

Nonna Mayer
Présidente de l’AFSP