Novembre 2005

Editorial
par Nonna Mayer, Présidente de l'AFSP

Au 8ème Congrès de l’Association française de science politique à Lyon, Jean Leca nous invitait à réfléchir à la " pertinence " de la science politique et de ses " outputs ". Le propos est plus que jamais d’actualité. La recherche publique traverse une crise sans précédent et la science politique, comme toutes les sciences sociales, est plus directement menacée, parce que son utilité est moins directement perceptible que celle des sciences " dures ". C’est à affirmer et promouvoir sa pertinence que je voudrais m’employer, au moment où je prends le relais de Jean Leca à la présidence de notre association.

L’AFSP ne manque pas d’atouts pour faire face à ces défis. En témoignent l’activité de ses groupes et sections de recherche, le succès de son dernier congrès (6 tables rondes, 84 ateliers, près de 600 participants), la consultation croissante de son site web (autour de 700 visites par jour), la montée en puissance du Salon des thèses annuel, destiné aux jeunes docteur(e)s et doctorant(e)s. Elle le doit au dynamisme de ses présidents et secrétaires généraux successifs, au professionnalisme de l’équipe administrative, à l’appui essentiel de la FNSP et de son administrateur, au soutien financier des IEP et de Paris 1.

Sur ces bases, elle peut encore progresser sur cinq objectifs qui me paraissent prioritaires :

Elargissement

Une association vit par le soutien de ses membres. Il faudrait élargir l’audience de l’AFSP, non seulement dans les milieux de la recherche et de l’enseignement supérieur, mais au-delà, chez les enseignants du secondaire par exemple, chez les journalistes, et plus largement chez tous ceux et toutes celles qui s’intéressent à la vie de la cité, qui s’interrogent sur la politique aujourd’hui. Il y a un travail de communication et de vulgarisation à faire pour convaincre de l’utilité de la science politique.

Coordination

Aux côtés de l’AFSP deux autres associations représentent la discipline, l’Association des enseignants et chercheurs en science politique (AECSP) et l’Association pour la promotion des candidats aux métiers de la science politique (ANCMSP). Dans le contexte de crise actuelle, il est indispensable de coordonner nos efforts, de faire front commun, si nous voulons devenir un interlocuteur crédible pour les pouvoirs publics, faire entendre notre voix. La rencontre du 26 octobre, commune à nos trois associations, sur la transformation du paysage de la recherche depuis la création de l’ANR, est un premier pas. Nous essaierons de renforcer la concertation et les actions communes.

Interdisciplinarité

C’est souvent aux marges des disciplines que se font les travaux les plus créateurs, et la confrontation des paradigmes est féconde. La science politique entretient des échanges avec la psychologie, la philosophie, l’économie, la sociologie, le droit, la géographie, l’histoire. Renforcer les liens avec ces différentes disciplines, et en particulier avec les associations qui les représentent, est particulièrement important aujourd’hui, quand à des degrés divers toutes les sciences sociales sont menacées. Nous avions déjà invité la Société française de sociologie au dernier Salon des thèses, des contacts sont en cours avec l’ISPP (Société internationale de psychologie politique) et il est question que son congrès 2008 se tienne à Paris, il faudra continuer sur cette voie.

Internationalisation

La science politique française n’est pas assez présente hors des frontières de l’Hexagone. Il faudrait plus de chercheurs dans les congrès internationaux, plus d’articles dans les revues étrangères. Cela passe par des liens accrus avec les autres organisations de science politique. Les liens noués avec l’ECPR et avec l’IPSA, la tenue du premier congrès commun des associations suisse, française, belge et québécoise de science politique, les 18 et 19 novembre 2005 à Lausanne, le projet de colloque avec l’Association espagnole de science politique et la Société italienne de science politique en septembre, vont dans ce sens. Des relations sont également en train de se nouer avec l’Association américaine de science politique par le biais d’Amy G.Mazur, coordinatrice du French Politics and Policy Group à l’APSA, en lien avec le French politics and Policy group de l’Association de science politique britannique. Amy Mazur voudrait encourager une coopération plus étroite entre nos deux associations, faire venir plus de Français à l’APSA et sponsoriser des panels communs, engager une réflexion commune sur la méthodologie. Autant de projets à développer pour désenclaver la science politique française à l’heure de l’Union européenne et de la mondialisation.

Publication

Dans le même ordre d’idées, il apparaît essentiel de publier nos travaux en langue anglaise pour leur accorder une plus large diffusion internationale. A cet effet je souhaiterais, sur le modèle du State of the discipline de l’APSA, qui fait périodiquement le point sur les grands débats de la discipline, lancer un Etat de la discipline édité à la fois en français et en anglais, avec un comité scientifique large et représentatif. Les Presses de Sciences Po sont d’ores et déjà d’accord sur le principe d’une co-édition avec un éditeur de langue anglaise.

Depuis sa création, l’AFSP contribue à structurer notre discipline. Ouverte à toutes les sensibilités, toutes les approches, elle est un lieu unique de réflexion et d’échange, plus que jamais nécessaire face aux réformes qui s’annoncent. L’AFSP a besoin de vous, tout autant que vous avez besoin d’elle, pour relever ces défis. Rejoignez nous !