Journées d'études : “La "proximité" dans le champ politique: usages, rhétoriques, pratiques ”

18-19 septembre 2003 Université Lille 2

Journées organisées par le CERAPS (Lille 2) et le CRAPE (Rennes) et coordonnées par Christian Le Bart et Rémi Lefebvre (maîtres de conférence en science politique)

 

Le constat au principe de ces journées d'études est le suivant : le terme de proximité fait l'objet d'un véritable fétichisme dans le champ politique. Son usage inflationniste ne peut que frapper. La proximité, invoquée, martelée et déclinée sur tous les modes par des acteurs politiques très divers, est devenue un mot magique sans cesse mis en avant. La locution "de proximité" donne lieu à une véritable prolifération d'usages : démocratie de proximité (objet d'une loi récente), élus de proximité, police de proximité, justice de proximité, communication de proximité... Ce nouveau mot totem est ainsi devenu un incontournable dans le lexique et le répertoire politique. Autour de cette notion aussi prégnante que sémantiquement indéterminée semblent se cristalliser de nouvelles représentations de la légitimité politique. Le mouvement affecte autant le discours du personnel politique que les dispositifs d‚action publique. C'est par la proximité érigée en impératif catégorique que les liens sociaux et politiques sont appelés à être refondés, que la démocratie représentative est invitée à se ressourcer. C'est aussi par elle que l'action publique doit renouveler sa raison d'être et que les processus de décision et de traitement des problèmes doivent être modifiés en profondeur.

Le succès social et politique de la proximité est à la mesure de ses ambiguïtés. Il est permis d'ailleurs de douter de la consistance de cet objet. La tentation est grande en effet de ne voir dans cette topique qu'un nouveau lieu commun politique, un épiphénomène social ou un simple artefact journalistique (la génération terrain dont la presse fit un enseignement du scrutin municipal de 2001) ou communicationnel (les formules de Jean-Pierre Raffarin). On est confronté à un objet à la fois prégnant et fuyant, dont les prescriptions sont fortes mais le contenu diffus. La notion de proximité est en elle-même d'ailleurs éminemment relative. Analyser la proximité c'est forcément s'attacher à la construction sociale de la distance. Ce référent constitue par ailleurs un cadre normatif des processus d‚action publique mais ne constitue pas sans doute un référentiel en ce qu‚il n'est pas le résultat univoque d'un processus de production de connaissances et de normes. Il résulte d'un travail social d'accréditation éclaté et flou dont il est difficile de rendre compte tant il est multiforme. Le risque est grand enfin de surévaluer la nouveauté de ce discours. Or la rhétorique de la proximité est ancienne, elle constitue l'idéologie professionnelle traditionnelle des élus locaux et des maires en particulier. De manière plus générale, les travaux théoriques sur la représentation politique ont démontré que la proximité est inhérente au principe même de légitimation du lien représentatif.

Mais, en dépit de ces réserves, notre parti-pris est ici de prendre au sérieux cette rhétorique de la proximité et de la prendre aux mots autour d'une hypothèseque l'on voudrait étayer : le fétichisme de la proximité témoigne d'une mutation des représentations de la légitimité politique et d'un basculement des hiérarchies symboliques. Conformément à un modèle longtemps dominant, la modernisation politique impliquait un procès de dépersonnalisation des relations politiques et d'éradication des relations clientélaires de dépendance personnelle. Se parer de la modernité politique ce fut longtemps, comme aux temps fondateurs de la Cinquième République promouvoir les logiques de la planification (la légitimité d'en haut et du temps long) et s'attaquer aux féodalités locales qui faisaient écran à l'intérêt général. Moderniser la vie politique c'est au contraire aujourd'hui, pour ses thuriféraires, apporter des réponses "en temps réel" aux problèmes "là où ils se posent" et multiplier les relations individualisées et les contacts entre représentants et représentés, entre institutions et citoyens.

L'objectif de ces journées est de croiser les regards (ceux des spécialistes du discours politique, du métier politique, des politiques publiques, des médias), de multiplier les focales d'analyse et de diversifier les terrains de recherche. La question de la proximité doit être à notre sens appréhendée à la fois sous l'angle de la rhétorique (quels sont les constituants de cette topique de la proximité ? quels acteurs la constituent en saillance discursive ? à quels fins ? quel univers de sens la "proximité" contribue-elle à objectiver?) et au prisme des pratiques (analyse concrète des pratiques relevant de ce que les élus labellisent comme "proximité", mise en œuvre opérationnelle de cette catégorie dans les processus d'action publique·).

PROGRAMME

18 septembre, 9 heures 30

Introduction : Christian Le Bart et Rémi Lefebvre

Première demi-journée : Mise en perspective historique et théorique (sous la présidence de Frédéric Sawicki, professeur de science politique, Lille 2)

12 heures 30 : repas

14 heures : Deuxième demi-journée : Proximité et espace public local (sous la présidence de Loïc Blondiaux, professeur de science politique, IEP de Lille)

19 septembre, 9 heures 30

Troisième demi-journée : L'action publique de proximité (sous la présidence de Pierre Muller, directeur de recherches au CNRS)

12 heures 30 : repas

14 heures : Quatrième demi-journée : Médias et proximité (sous la présidence de Grégory Derville, maître de conférences en science politique, Lille 2)

Contact : Younès Haddadi
Tél. : 00.33.(0)3.20.90.74.51
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Mail : craps@hp-sc.univ-lille2.fr

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