Fariba
Abdelkhah et Jean-François Bayart, Voyages du Développement, émigration,
commerce exil, Pais, Karthala, 2007
Le
fait migratoire interpelle les politiques publiques de l'aide au développement
bien au-delà du slogan convenu et illusoire du " co-développement
".
Fondé sur des recherches de terrain précises dans le Bassin méditerranéen,
en Afrique occidentale, dans la région irano-afghane du Khorassan et
en Asie du Sud-Est, cet ouvrage s'intéresse aux pratiques du voyage lui-même.
Il se distingue à la fois de l'approche classique de l'immigration dans
son double rapport aux sociétés dites de "départ"
et d'" accueil", et de la thématique de la "diaspora".
L'expérience du voyage ne se confond pas avec celle de la migration car
elle recouvre d'autres formes de déplacements, mais elle ne peut plus
s'en dissocier, ne serait-ce que pour des raisons administratives du fait des
politiques restrictives de délivrance des visas.
Réciproquement le fait migratoire renvoie à la problématique
du voyage. Par définition les migrants se déplacent. Ils induisent
aussi des pratiques complémentaires de voyage en faisant venir auprès
d'eux des membres de leur famille ou des proches, et ils se pensent, pour une
partie d'entre eux, à travers les prochaines étapes de leur pérégrination,
parfois longue de plusieurs années. Ces voyages sont en partie virtuels,
sous forme de lettres, de paquets, de cassettes, de photos, d'appels téléphoniques,
d'e-mails, ou même de rêveries et d'attentes.
Les migrations, les pratiques du voyage nous rappellent que le monde est en
mouvement parce qu'elles constituent elles-mêmes un mouvement social.
Il est nécessaire que les problématiques du développement
prennent mieux en compte la complexité des mobilités contemporaines,
tant ces dernières relèvent des objectifs les plus directs de
l'aide. Elles n'y parviendront qu'en s'émancipant des attentes dites
sécuritaires qui pèsent de plus en plus sur la formulation des
politiques publiques.
Le voyage est une pratique de développement, et un objet de l'économie
ou de l'anthropologie du développement. Il doit maintenant devenir un
sujet à part entière de l'aide au développement.