Bergounioux Alain, Grunberg Gérard — L'ambition et le remords. Les socialistes français et le pouvoir (1905-2005) — Paris, Fayard, 2005 (coll. L'espace du politique)

 

Le Parti socialiste français a dirigé pour la première fois un gouvernement il y a près de soixante-dix ans. Il a exercé le pouvoir sous trois républiques et il est devenu, plus encore sous le régime actuel que sous le précédent, un parti du système, parvenant enfin, pendant trois législatures, à diriger ce " gouvernement parfaitement normal de la nation tout entière " que Gaston Defferre appelait jadis de ses vœux. C'est sous ces couleurs que François Mitterrand a conquis la présidence de la République et il est l'un des deux seuls partis français à pouvoir espérer raisonnablement gagner à nouveau cette élection dans un avenir prévisible. Pourtant, paradoxalement, ce parti n'a jamais assumé aisément son action gouvernementale. Il s'est généralement senti soulagé quand il est retourné dans l'opposition, s'accusant lui-même, ou ceux qui avaient gouverné en son nom, d'avoir trahi ses objectifs et son projet, bref, de n'avoir pas conduit une véritable politique de gauche. Après chaque défaite, envahi par le doute, il a recherché dans son identité originelle les ressources nécessaires à l'élaboration d'un projet authentiquement socialiste. Sa vocation gouvernementale, qui paraît établie, ne lui apparaît pas à l'évidence comme le résultat et la preuve de ses succès. Au contraire, elle suscite chez lui méfiance et suspicion. L'exercice du pouvoir ne le satisfait pas, ne lui suffit pas. Il veut autre chose. Comme le remarquait Léon Blum, il veut accomplir des réformes qui laissent " une trace éblouissante ". D'où ses déceptions répétées et son intention, réitérée régulièrement, de mener, la fois suivante, une action enfin résolument transformatrice. Chaque cycle de pouvoir débute ainsi par la réaffirmation de la doctrine, puis, une fois au pouvoir, par un malaise croissant débouchant sur une critique de l'action gouvernementale, des désillusions et l'appel à un retour aux sources avec la réaffirmation d'une volonté de " rupture ".

 

Alain Bergounioux, historien, inspecteur général de l'Education nationale, auteur de plusieurs ouvrages et études sur l'histoire du socialisme et du syndicalisme en France et en Europe dont récemment Léon Blum. Discours politiques (1997), et Des poings et des roses. Un siècle de socialisme (dir.) (2005). Gérard Grunberg, politologue, est directeur de recherche au CNRS (Centre de recherches politiques de Sciences Po). Il a publié notamment: La démocratie à l'épreuve. Une nouvelle approche de l'opinion des Français (2002 ; air. avec Nonna Mayer et Paul Sniderman), Le Vote des Quinze (2000; dir. avec Pascal Perrineau et Colette Ysmal), Vers un socialisme européen ? (1997). Ils ont publié ensemble Le long remords du pouvoir. Le Parti socialiste français, 1905-1992, (1992) et L'Utopie à l'épreuve, Le socialisme européen au vingtième siècle (1996).