Marc
Bernardot, Camps d'étrangers, Paris, Editions du Croquant, 2008
Quel est le point commun
au XXe siècle entre les tirailleurs et les travailleurs indigènes,
les réfugiés et les rapatriés coloniaux, les minorités
discriminées, les insoumis et les rebelles indépendantistes, les
migrants illégalisés et les demandeurs d'asile déboutés
? Le fait d'avoir été, à un moment ou un autre de leur
parcours en métropole, placés de force et confinés dans
des camps, des cantonnements, des dépôts, des centres, des casernements,
des logements contraints, dans toutes sortes de lieux isolés, inaccessibles
et insalubres. L'auteur propose une sociologie historique des camps d'étrangers
en France depuis la Première Guerre mondiale. A' partir de différentes
enquêtes et sources d'archives il s'agit de mettre en perspective la manière
dont les pouvoirs publics, et principalement la police nationale, ont mis en
place et géré des lieux d'internement administratif des étrangers.
Cet ouvrage questionne tout d'abord le terme de camp, objet difficile et source
de polémiques entre analyses scientifiques, dénégations
politiques et usages militants, mais qui décrit une réalité
multiforme : celle d'un placement forcé et d'un déni de droits
dans un espace clos, de circuits de déplacement surveillés et
réservés, de la mise au travail forcé ou de l'interdiction
de travailler, d'une limitation drastique des contacts avec le reste de la population.
Il examine ensuite la technique de la mise en camp et les formes variées
que prennent les camps d'étrangers selon les contextes et les objectifs
des pouvoirs publics, la lutte contre un ennemi de l'intérieur, l'accueil
" humanitaire " provisoire, l'épuration politique, l'expulsion
de l'étranger. Il s'intéresse enfin à ces populations mises
au secret de migrants forcés, de déplacés des colonies,
de réfugiés européens ou de parias nationaux, des indigènes
africains ou indochinois, des exilés arméniens, sarrois, espagnols,
des suspects alsaciens, tsiganes, algériens, des migrants indésirables
et d'autres bouches inutiles ayant fait l'amère expérience de
cette étrange sollicitude de l'État démocratique pour ceux
qu'il perçoit comme étrangers.
Marc Bernardot est professeur de sociologie à l'université du
Havre. Spécialiste de sociologie historique de l'État, des migrations
et du racisme, il a étudié les foyers de travailleurs et les camps
d'étrangers. Il s'intéresse maintenant aux établissements
humains précaires.