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        Française de Science Politique volume 52 n°5-6 2002 | 
Dossier : Sur quelques énigmes des élections du printemps 2002
Lénigme 
  de la cohabitation, ou les effets pervers dune pré-sélection 
  annoncée 
  Jean-Luc Parodi 
   Interprétées à chaud comme un véritable séisme, 
  interprétation que le nombre et lampleur des records de toute nature 
  enregistrés (abstentions, blancs et nuls, candidatures, scores des extrêmes, 
  du PC, etc.) peuvent étayer, les élections françaises du 
  printemps 2002 apparaissent, une fois remise en perspective, lues dans leur 
  globalité et analysées à la lumière de la cohabitation, 
  moins sismiques que sur le moment. Car toute la séquence des quatre tours 
  de scrutin est structurée par les résultats du premier tour de 
  lélection présidentielle et celui-ci est dominé par 
  la pré-sélection des candidats du second tour qua progressivement 
  imposée la cohabitation exceptionnelle de 1997-2002. Cest elle 
  qui maximise la traditionnelle fonction de message que peut remplir le premier 
  tour de lélection présidentielle et favorise la tentation 
  de votes stratèges aux effets pervers incontrôlables.
Les hauts et les bas du vote 
  Le Pen  
  Nonna Mayer
   A partir des trois vagues du panel électoral français 2002, 
  cette étude cherche à comprendre comment lextrême 
  droite française frôle 20% des suffrages exprimés au premier 
  tour de lélection présidentielle de 2002 et retombe à 
  12% au premier tour des législatives. Les traits distinctifs du vote 
  Le Pen nont pas changé. Il garde son caractère autoritaire 
  et ethnocentrique, peu diplômé, masculin et populaire. Sa progression 
  traduit sa percée dans le monde rural et agricole, chez les seniors, 
  et dans lélectorat de droite, à la faveur dune campagne 
  axée sur linsécurité et de lusure des grands 
  partis. Mais il souffre toujours dun déficit de légitimité 
  et de crédibilité politique, et la scission de 1999 a cassé 
  la dynamique partisane, " leffet Le Pen " nest 
  plus soutenu par " leffet FN ".     
La participation politique 
  des jeunes : soubresauts, fractures et ajustements
   Anne Muxel
   La séquence électorale du printemps 2002 donne à voir 
  une sorte de condensé symptomatique des attributs ou traits de comportements 
  qui ont caractérisé le rapport des jeunes à la politique 
  au cours de la dernière décennie. Leur participation électorale 
  en dents de scie rappelle la persistance dune crise de la représentation 
  politique, et les records de leur abstention aux premiers tours de lélection 
  présidentielle et des élections législatives montrent une 
  relative fragilisation de leur relation au vote. Lampleur de leur mobilisation 
  contre la présence de Le Pen au second tour corrobore lélargissement 
  des formes de participation et le développement de la protestation politique 
  au sein des jeunes générations. Mais elle revêt aussi un 
  caractère inédit en conjuguant la participation protestataire 
  avec une remobilisation électorale et civique. Cest parmi les plus 
  jeunes électeurs que lon observe la plus forte réduction 
  de labstention entre les deux tours de lélection présidentielle 
  et le nombre de suffrages pour Chirac au second tour proportionnellement le 
  plus important. Des traces de cette mobilisation sur leur comportement lors 
  du premier tour des élections législatives peuvent être 
  repérées. Enfin, cet épisode électoral a confirmé 
  lexistence dune fracture intra-générationnelle induite 
  par le diplôme et différenciant les attitudes ainsi que les choix 
  politiques par rapport à lextrême droite et la figure lepéniste. 
      
La beauté de la mort 
  communiste
   Bernard Pudal
   Bien que le processus de dissociation du PCF soit vraisemblablement d'une 
  grande complexité, on peut sans doute distinguer, pour des raisons analytiques, 
  ce qui relève des mécanismes de dissociation propres au monde 
  communiste ou dévolutions diverses à laquelle linstitution 
  communiste ne parvient pas à sadapter, et ce qui relève 
  des multiples formes directes ou indirectes danticommunisme(s). L'étude 
  des aggiornamenti (1961-1977 ; 1991-2002) tend à montrer 
  que le "centralisme-démocratique", dimension centrale du communisme, 
  n'a jamais été réellement mis en cause parce qu'en lui 
  se condense la spécificité de l'expérience communiste. 
  Cet impensé est alors pensé par d'autres selon des logiques anticommunistes 
  structurées par l'ethnocentrisme de classe. Pris entre une histoire refoulée 
  et une série de représentations disqualifiantes, le désarroi 
  communiste conduit alors progressivement à la dissociation de l'entreprise 
  politique.     
Faire lUnion : 
  la refondation des partis de droite après les élections de 2002 
   
  Florence Haegel 
   Un nouveau parti de droite, pour le moment dénommé UMP, a 
  été mis en place entre des deux tours de lélection 
  présidentielle. Cet article se donne pour objectif danalyser les 
  enjeux de cette transformation. La genèse de lUMP permet de saisir 
  dans quelle mesure un parti politique peut être conçu comme la 
  connexion dun ensemble de systèmes de coopération organisés 
  autour de postes à conquérir. En effet, limpératif 
  dunification de la droite française est liée au décalage 
  persistant existant entre les systèmes de coopération législatif 
  et présidentiel. Mais les questions soulevées par cette fusion 
  partisane (lUMP inclut le RPR, DL et une majeure partie de lUDF) 
  montrent que cette vision ne peut suffire et que les partis ne sont pas seulement 
  des systèmes de coopération mais aussi des systèmes de 
  production. Dès lors, leurs logiques dorganisation internes pèsent 
  sur ce travail de transformation du social en politique, de la pluralité 
  en homogénéité. Dans le cas de lUMP, il sagit 
  dabord de mettre en commun des modes de fonctionnement, en particulier 
  de définir la place et la légitimité accordées respectivement 
  aux adhérents et aux élus, mais aussi dorganiser lexpression 
  de la pluralité idéologique par la mise en place de courants. 
      
Les mystères de la 
  Chambre Bleue : des voix aux sièges lors des élections législatives 
  de juin 2002
   Bernard Dolez
   Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours a mécaniquement 
  pour effet damplifier en sièges les mouvements électoraux. 
  Les élections législatives de 2002 en sont une nouvelle illustration : 
  alors que le rapport droite/gauche peut être estimé à 55/45 
  au soir du second tour, la droite modérée dispose de 399 sièges 
  sur 577. Quand le FN ne perturbe pas le jeu comme en 1997, léquation 
  voix/sièges obéit ainsi, non à la loi du cube, mais à 
  la loi du " quatre ". Les effets mécaniques des modes 
  de scrutin ne suffisent pas, en revanche, à rendre compte de la manière 
  dont les sièges se répartissent entre forces politiques au sein 
  de chaque coalition. Le nombre de sièges alloués aux petits partis 
  est principalement fonction de leur mode dimplantation territoriale : 
  le PC a ainsi réussi à conserver un groupe parlementaire en sauvegardant 
  ses bastions, grâce à la bonne résistance de ses sortants. 
  Le vote écologiste est en revanche plus étale, ce qui na 
  autorisé lélection que de 3 députés Verts. 
      
Les élections de 2002 
  constituent-elles un " moment de rupture " dans la vie politique 
  française ?
   Pierre Martin
   Les élections de 2002, présidentielle et législatives, 
  ont été loccasion dévolutions électorales 
  importantes et dévénements spectaculaires, comme la présence 
  de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. Parmi les évolutions 
  électorales significatives du premier tour de la présidentielle, 
  on doit noter leffondrement du parti communiste, une percée de 
  lextrême gauche ainsi quune nouvelle poussée de lextrême 
  droite et des Verts. Inversement, le parti socialiste et la droite modérée 
  enregistrent de très mauvais résultats, illustrés par lélimination 
  de Lionel Jospin et le résultat de Jacques Chirac à moins de 20 
  %. Mais seule la chute du parti communiste sera confirmée aux élections 
  législatives de juin, marquées par une très nette victoire 
  du nouveau parti de rassemblement de la droite modérée derrière 
  Jacques Chirac  lUMP  et un net redressement du 
  parti socialiste. Au total, les élections présidentielle et législatives 
  de 2002 ne constituent pas un moment de rupture  au sens de la théorie 
  des réalignements  de lordre électoral et partisan 
  en place depuis le réalignement de 1984. La vie politique française 
  reste organisée autour de laffrontement de deux coalitions électorales 
  de gauche et de droite, respectivement dominées par les socialistes et 
  les chiraquiens, avec une force significative isolée à lextrême 
  droite.     
La diversité légitime : 
  nouveau défi de lintégration européenne  
  Fritz W. Scharpf
   Discuter à propos dune constitution européenne nécessite 
  de se confronter à dimportants défis politiques qui ne se 
  rencontrent pas réellement dans le cadre institutionnel actuel de lUnion 
  européenne. Le présent article présente tout dabord 
  trois modes de gouvernement communautaire distincts : les négociations 
  intergouvernementales, la centralisation supranationale et les décisions 
  conjointes. Dans ces trois modes de gouvernement, laction européenne 
  appliquée et légitime dépend dun haut degré 
  de consensus entre les membres des gouvernements des États. Larticle 
  examine ensuite les conditions des réponses européennes aux trois 
  nouveaux défis politiques : lélargissement à 
  lEst, la politique communautaire extérieure et de sécurité 
  ainsi que la protection des États providence européens face à 
  limpact de lintégration économique et de la libéralisation 
  du marché. Dans chaque cas, on peut voir que les conflits dintérêt 
  significatifs entre les membres des gouvernements empêchent toute action 
  dans le cadre institutionnel actuel. Prétendant que ces conflits ne peuvent 
  pas être résolus par une évolution vers des institutions 
  à régime majoritaire, larticle conclut en proposant différentes 
  réponses politiques qui permettraient laction communautaire dans 
  le cadre dune diversité légitime.