Revue Française de Science Politique volume 53 n°1 2003

 

Les citoyens européens disposent désormais d'un droit de vote et d'éligibilité pour les élections municipales et européennes dans le pays de l'Union où ils résident et dont ils ne sont pas ressortissants (article 8B du traité de Maastricht). Novatrice, cette disposition rompt un principe séculaire dans des États-nations, où la citoyenneté politique est arrimée à la nationalité. Mais seule la généralisation est innovante : la retenue française en ce domaine ne saurait faire oublier l'ancienneté des expériences étrangères, étendues parfois à l'ensemble des non-nationaux. Le propos vise, dans une perspective comparative, à interroger les conditions de mises en œuvre, mais aussi les détournements et retardements auxquels ont recouru certains États dans la transposition en droit électoral national des dispositions de cet article. En tout état de cause, les changements de règle électorale touchent au cœur de la construction nationale et de la définition identitaire : c'est en ce sens que seront lues les applications qui sont faites de ces nouveaux droits politiques dans l'Union.

À partir d’entretiens semi-directifs menés auprès de cinquante députés algériens en exercice, cet article se propose de construire quelques hypothèses pour une sociologie de la représentation politique issue du scrutin de juin 1997. Dans ce cadre d’analyse, il s’efforce de démontrer qu’en creux du jeu politique désamorcé consacré par ces élections, il y a un jeu social au cours duquel individus et groupes sociaux, appareils de partis, pouvoirs local et central, instances formelles et informelles, intermédiaires et courtiers électoraux opèrent une transaction, un échange social et symbolique autour de l’offre électorale, dans le creuset des rapports de clientèle. L’article s’emploie à démontrer que c’est de son capital social et/ou de son art de mobilisation des liens primordiaux que dépend pour beaucoup la captation du député par les partis, dans un premier temps, et son élection dans un autre. Pris dans des rapports de " prédation réciproque " entre État et société qui s’énoncent dans le répertoire du clientélisme politique, le député algérien devient ainsi un agent de la médiation clientélaire.

Nous nous intéressons ici aux efforts déployés dès le début des années 1890 par les entrepreneurs monarchistes sur le terrain de l’organisation politique. Appartenant à la génération du duc d’Orléans, ils forment la Jeunesse royaliste. Elle refuse l’apathie d’une partie de la noblesse, qui n’entend pas s’adapter aux exigences du système partisan en formation tout en s’efforçant de se distinguer des virulentes ligues nationalistes. Ce mouvement interdit en 1900 par le gouvernement de Waldeck-Rousseau connaît un essor dans une trentaine de départements et rencontre un succès remarquable à Paris, dans le Bordelais et en Languedoc. Dans cette région, le département de l’Hérault retiendra notre attention car il est érigé en modèle par les leaders nationaux. A partir d’une enquête basée sur des sources archivistiques, sur des textes cléricaux ou encore sur la presse, nous avons mis l’accent sur les particularités de la mobilisation du milieu catholique intransigeant animé par Mgr de Cabrières, l’évêque de Montpellier, qui refuse la politique du Ralliement et inaugure une nouvelle manière de faire de la politique. Au cœur de celui-ci, la Jeunesse royaliste constitue l’avant-garde partisane la plus aboutie d’une nébuleuse organisationnelle décidée à relever le défi de la modernité politique.

A partir de l’analyse d’archives orales et écrites, cet article entend revisiter l’interprétation top down de la régionalisation " à la française " en montrant les conditions d’émergence de ce cette question dans l’immédiat après-guerre. Loin d’être le produit exclusif de la haute administration, la régionalisation s’élabore sur la base d’interactions et d’échanges entre une grande variété d’acteurs politiques et administratifs (mouvement fédéraliste, planificateurs, élus locaux, groupes d’intérêt) agissant aussi bien dans l’arène politique centrale que dans des arènes plus périphériques (configurations régionales). Plus largement, la régionalisation est indissociable des débats de l’entre-deux-guerres et de l’après-guerre autour de l’organisation politique et sociale de la France et de l’Europe, et invite ainsi à repenser l’évolution de la question régionale.

La théorie évolutionniste de F. A. Von Hayek entend fournir tout à la fois une explication de la production des règles (juridiques et autres) de la société et une justification de leur légitimité. Contrairement à ce qu’affirment beaucoup de commentateurs, la théorie visée s’acquitte remarquablement de la première tâche, évitant subtilement les écueils respectifs du déterminisme et de l’historicisme. Elle échoue, par contre, dans la seconde. Le processus de sélection ne peut reposer, selon Hayek, sur aucune espèce de critère transcendantal mais les règles produites semblent aboutir à la cristallisation de certains principes inhérents au libéralisme et à la démocratie, lesquels principes ne sont plus susceptibles d’évoluer. Force est dès lors de constater que la conséquence, non voulue et même non reconnue de cette théorie revient à soutenir que ces principes constituent le point d’aboutissement de la logique évolutive. En ce qui concerne le domaine juridique, l’histoire de l’Occident serait donc arrivé à un terme : au niveau principiel, le système normatif ne serait plus susceptible de progrès. Seule la formulation de ces principes intangibles - via des règles nouvelles - serait indéfiniment révisable au rythme des modifications (scientifiques, techniques, politiques, sociales ou autres) affectant notre société.