Les tables rondes

 

Organisateurs

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AGRIKOLIANSKI (E.) FILLIEULE (O.) SOMMIER (I.)

TR n°1 : Où en sont les théories de l'action collective ?

BACOT (P.) POLLET (G.)

TR n°2 : Mots et dispositifs du "gouvernement démocratique"

DUCLOS (L.) GROUX (G.) MERIAUX (O.)

TR n°3 : Le politique et la dynamique des relations professionnelles

MASSARDIER (G.)
CAMAU (M.)

TR n°4 : Les régimes politiques revisités : analyse comparative des recompositions des rapports politics/policies

SCHEMEIL (Y.) EBERWEIN (W.-D.)

TR n°5 : L'énonciation des normes internationales

FAURE (A.), LERESCHE (J.-P.), MULLER (P.), NAHRATH (S.), PAPADOPOULOS (Y.), SMITH (A.) TR internationale n°6 : Villes, Régions, Etats, Europe : l'action publique à l'épreuve des changements d'échelle

 

Table ronde 1 : Où en sont les théories de l’action collective ?

Table ronde organisée par :

E. Agrikoliansky, CREDEP-Université Paris IX, agriko@noos.fr

O. Fillieule, IEPI- Lausanne/CRPS-Université Paris I, Olivier.Fillieule@iepi.unil.ch

I. Sommier, CRPS-Université Paris I, sommier@univ-paris1.fr

Longtemps relégués ou cantonnés à une place marginale, les mouvements sociaux et l’action collective sont devenus en l’espace de dix ans un objet central d’analyse pour la science politique française. Celle-ci a jusqu’à présent peu pris part aux débats théoriques venus pour l'essentiel, mais pas exclusivement, d'outre-atlantique (à l’exception de l’école tourainienne). Sa contribution a plutôt emprunté des chemins de traverse, issus par exemple de la sociologie de l'engagement partisan et du dialogue avec d'autres disciplines telles que l'histoire. Elle est récemment marquée par le développement des travaux empiriques sur la question. Objet situé à l’interface de disciplines aux méthodes et aux concepts parfois hétérogènes (histoire, sociologie, anthropologie), l’action collective reste encore un espace de problématiques fragmentées que renforce, depuis presque vingt ans, la recherche de modèles explicatifs pluridimensionnels sur fond de critique et de dépassement des paradigmes longtemps dominants. La mosaïque des études de cas réalisées dans notre pays n’est cependant pas sans cohérence : des lignes de force se distinguent et des voies fécondes d’analyse s’esquissent. Une large réflexion, en forme de discussion critique, sur les instruments conceptuels aujourd’hui usités (carrières militantes, cadrage, répertoires d’action, structure des opportunités politiques) paraît par conséquent indispensable. La structuration de la table ronde et le choix des interventions seront guidés par trois principes :

- ouvrir un dialogue international entre chercheurs français, européens et américains. Dans un contexte d’internationalisation de la discipline, cette ouverture est d’autant plus nécessaire que les travaux français proposent une réflexion originale qui peut permettre de sortir des cadres aujourd’hui routiniers, et parfois répétitifs, des paradigmes dominants.

- assurer la pluridisciplinarité en favorisant des interventions d’historiens, de sociologues, de psychologues et d’anthropologues, mais aussi en contribuant à développer un dialogue au sein même de la discipline. L’analyse des mouvements sociaux s’est en effet en partie isolée en s’autonomisant dans un contexte où, pour " gagner sa place ", il fallait s’appuyer sur des ressources intellectuelles extérieures. Il est sans doute temps aujourd’hui de nouer un dialogue fécond avec d’autres branches de la science politique, ce à quoi entend contribuer cette table ronde en sollicitant aussi bien des études relatives aux processus de socialisation, aux politiques publiques, aux médias, à la construction des problèmes publics, etc.

- asseoir les communications sur des réflexions et/ou des analyses méthodologiques. Les méthodes ont fait l’objet de peu de réflexions spécifiques dans le cadre de l’analyse des mobilisations. Les discussions conceptuelles ne peuvent pourtant faire l’économie d’une réflexion sur les outils empiriques. L’objectif principal de cette table ronde est en ce sens moins de réunir une collection de réflexions théoriques ou d’études monographiques, que de proposer une réflexion sur les instruments et les manières de faire qui articule systématiquement les discussions conceptuelles aux contraintes de la recherche de terrain.

Quatre axes de réflexion articulées seront privilégiés. Ils constitueront 4 demi-journées de débats.

Atelier 1 : Micromobilisation et dynamiques de l’engagement individuel

Depuis une dizaine d’années, se multiplient les travaux mettant l’accent sur les logiques de l’engagement individuel, dans le contexte d’un regain de l’analyse biographique et du récit de vie. Nourrie par le réinvestissement des apports des travaux sur la socialisation politique d’un côté et de l’interactionisme symbolique de l’autre, cette orientation s’appuie également sur une réflexion relative aux réseaux interindividuels, à l’articulation entre fréquentations militantes et sociabilité, entre sphères de vie et activités militantes, contribuant ainsi à poser de manière renouvelée la question des rétributions et des incitations.

Les contributions à cet atelier sont invitées à s’intéresser aux dimensions variées des carrières militantes, à travers notamment les dispositions et le poids des socialisations secondaires, la transformation des identités et la pluralité des acteurs, les effets de conversion et de socialisation liés à la militance, les conséquences biographiques de l’engagement, les logiques de la reconversion professionnelle de ressources militantes, etc.. Sera ici particulièrement encouragée l’attention portée aux poids des appartenances de classe et aux rapports sociaux de sexes, ainsi qu’aux problèmes théoriques et méthodologiques posés par l’articulation entre contexte et histoire individuelle, entre conditions objectives et raisons d’agir.

Atelier 2 : Dimensions symboliques de la construction des causes

Les modèles structuralistes longtemps dominants en sociologie des mouvements sociaux ont conduit, depuis une dizaine d’années, à l’émergence de critiques qui s’interrogent sur les médiations par lesquelles les acteurs éprouvent les contraintes sociales et s’y adaptent.

Les contributions de cet atelier sont invitées à revisiter les apports des théories mettant l’accent sur les identités individuelles et collectives, les idéologies et les croyances, les analyses en terme de " cadres " et de " cadrage ".

Dans cette perspective, sont particulièrement bienvenues les réflexions qui, d’une part, exploreront la dimension émotionnelle des processus de mobilisation, et qui porteront, d’autre part, sur les apports de la sociologie de la construction des problèmes publics et ceux de la sociologie des médias.

Atelier 3 : Répertoires d’action et diversité des formes d’organisation

La notion de répertoire d’action souligne à quel point le recours à la protestation politique s’apparente à une gestion de ressources rares. D’un point de vue diachronique, les modes d’action se caractérisent par une grande stabilité, ce qui rend d’autant plus remarquables d’éventuelles innovations. D’un point de vue synchronique, tous les groupes n’ont pas un égal accès aux formes d’action disponibles et, en fonction des ressources dont ils jouissent, choisissent ou se voient contraints de recourir à tels ou tels instruments de lutte. Parmi ces ressources , les formes d’organisation jouent un rôle central. C’est pourquoi cet atelier envisage de lier la réflexion sur les répertoires d’action à celle sur la structuration des collectifs.

Les contributions pourront, au-delà d’une réflexion théorique -pourquoi pas critique- sur un concept largement reconnu, se pencher plus particulièrement sur les logiques sous-tendant l’usage par les groupes de tel ou tel élément du répertoire, sur les dimensions d’une éventuelle transformation contemporaine des modes d’action (par exemple, transnationalisation, expertise, renouvellement des formes d’action directe, impact des NTIC), en lien avec les dynamiques organisationnelles (par exemple, professionnalisation et institutionnalisation, structuration en réseaux et revendications de démocratie participative).

Atelier 4 : Les mouvements sociaux dans l’espace politique

L’insistance sur les facteurs structurels de la mobilisation par la sociologie anglo-saxonne de l’action collective a conduit à faire de la notion de structure des opportunités politiques un concept clé dans l’explication de l’émergence, mais aussi du développement des protestations collectives. Suscitant une critique nourrie et multiforme, cette notion a fait l’objet de tentatives d’explicitation aussi nombreuses que variées de la part de ses promoteurs. En prenant ces débats comme point de départ, cet atelier entend explorer les possibilités de reformulation théorique du poids des facteurs politiques structurels et contextuels dans la détermination des chances de succès ou d’échec des mouvements.

L’accent sera mis sur les relations qu’entretiennent les groupes protestataires avec les différents secteurs de l’Etat et avec l’ensemble des forces sociales et politiques actives dans l’espace des mobilisations (partis, syndicats, secteur associatif, entreprises, etc.). Il s’agit de placer au centre de la réflexion la question, encore peu explorée, de l’articulation entre action collective, agendas et politiques publiques d’une part, entre représentation des intérêts, expertise et mobilisation d’autre part.

 

Table ronde 2 : Mots et dispositifs du "gouvernement démocratique"

Table ronde organisée par :

P. Bacot, professeur de Science politique à l’Institut d’études politiques de Lyon paul.bacot@univ-lyon2.fr

G. Pollet, professeur de Science politique à l’Institut d’études politiques de Lyon

Ce projet de table ronde est fondé sur un pari : la possibilité de traiter de la " question démocratique " indépendamment d’une posture normative. Il ne s’agira donc pas ici de s’interroger sur ce que serait la vraie ou la bonne " démocratie ", mais bien plutôt, d’une part, de voir comment des mots sont utilisés dans des stratégies de distinction tendant à opposer des systèmes de gouvernement les uns aux autres, et d’autre part, de vérifier si les labellisations démocratiques renvoient à des pratiques et des dispositifs spécifiques empiriquement observables tant chez les gouvernants que chez les gouvernés (Does polity matter ?, en quelque sorte). Ce double questionnement s’applique à la période contemporaine, marquée par une spectaculaire mais résistible généralisation de la référence à une " démocratie " dont le contenu n’a cessé d’évoluer et de constituer un enjeu de luttes. Si les mots servent à exprimer et à façonner tant les actions que leurs représentations, leur étude peut constituer une entrée privilégiée pour une science politique voulant revisiter la démocratie. Ils peuvent être pensés comme participant de dispositifs aux formes multiples associés à la référence au " gouvernement démocratique ".

Les travaux sur lesquels un tel programme de travail peut faire fond sont évidemment légion, notamment dans la littérature de politique comparée et de transitologie ou dans celle inspirée de la lexicologie politique. Les récents développements de la sociologie des mobilisations, comme les fructueuses rencontres entre la tradition de la sociologie politique et l'analyse de l'action publique, ou encore entre sociologie et philosophie, pourront aussi nourrir problématiques et hypothèses.

Les communications attendues peuvent relever de différentes spécialités de la discipline, mais on privilégiera celles qui s'appuyent sur un travail empirique original portant sur un terrain ou un corpus précis et circonscrit. La dimension comparative sera encouragée.

Cette table ronde pourra se décliner en quatre temps.

  1. Penser la démocratie : les nouvelles figures des théories démocratiques

  2. Comment la notion de démocratie sert-elle à caractériser, voire à justifier, certains types de réalités politiques ? Quels sont les mots, les arguments, les références qui nourrissent le débat actuel sur la spécificité d'une forme démocratique du gouvernement d'un pays, d'une organisation, d'une collectivité ?

  3. Gouverner en démocratie : entre action publique et action politique

  4. L'observation concrète des processus d'action publique et de mobilisations politiques met-elle en lumière une spécificité démocratique, que ce soit dans l'action ou dans le discours sur l'action ? On peut notamment interroger les formes de justification démocratique des dispositifs et techniques de représentation, de consultation, de délibération ou encore d'évaluation.

  5. Evolutions, transitions et importations de la démocratie : au nord et au sud de la Méditerranée

  6. Parce que l'Europe rassemble nombre de références historiques et de modèles pratiques de démocratie, et que de l'autre côté de la Méditerranée semble se maintenir la principale zone de résistance à l'extension de ces modèles, ces deux aires et l'ensemble qu'elles constituent peuvent fournir un terrain privilégié pour des regards croisés sur les évolutions et les importations en la matière.

  7. Mondialisation et démocratisation : la démocratie façonnée par la globalisation, la globalisation façonnée par la démocratie

La démocratie, telle qu'on la décrit et telle qu'on la pratique, connaît-elle de substantiels changements en devenant la référence de pays de plus en plus nombreux par le monde ? Symétriquement, la globalisation sous toutes ses formes produit-elle au niveau des Etats, des collectivités subnationales ou encore des organisations de diverses natures, des inflexions des dispositifs démocratiques et des discours qui s'y rapportent ?

 

 

Table ronde 3 : Le politique et la dynamique des relations professionnelles

Table ronde organisée par :

L. DUCLOS (Commissariat Général du Plan, SAS)

G. GROUX (CNRS / CEVIPOF)

O. MERIAUX (FNSP / CERAT)

A l’origine de cette proposition, une conviction et un paradoxe.

La conviction – partagée depuis longtemps par la communauté académique européenne et nord-américaine, qui commence simplement à trouver écho chez nous – est que le domaine des relations professionnelles est emblématique de l’évolution plus générale des formes de la régulation politique. La gestion des relations de travail et des protections sociales attachées au statut de l’emploi – le cœur des enjeux autour desquels se sont constitués les systèmes de relations professionnelles en Europe occidentale à la fin du XIXème siècle – a en effet suscité l’émergence d’un type particulier de gouverne politique, qui reconnaît et encourage l’existence d’un ordre institutionnel distinct de celui organisé par la démocratie représentative.

Or cette sphère de " démocratie sociale " repose sur des principes d’agencement des pouvoirs dont le caractère précurseur apparaît clairement lorsqu’on en rapporte les principaux traits à ceux par lesquels la littérature décrit aujourd’hui la gouverne politique " moderne " : reconnaissance d’une pluralité des sources de régulation, concurrence assumée, voire organisée, entre divers ordres normatifs, tendance à gouverner par le consentement ou le compromis plutôt que par la contrainte et la prescription… Ainsi que l’a souvent fait remarquer Jean-Daniel Reynaud, la particularité des relations professionnelles est que salariés et employeurs, dont les représentants sont investis d’un pouvoir normatif dans la négociation collective, peuvent se forger eux-mêmes leur propre loi ! Encore faut-il préciser : dans le cadre défini par le Législateur. Or si l’on considère la teneur des débats savants sur les instruments de l’action publique contemporaine (le contrat, la négociation), la " gouvernance " ou la démocratie délibérative, cette tension entre l’exercice de l’autonomie collective et l’imposition hétéronome apparaît bien au cœur des transformations du politique et de ses logiques d’action.

Le paradoxe ressort de manière évidente au travers des controverses et des péripéties juridico-institutionnelles ouvertes en France par la crise du paritarisme et la " Refondation sociale ", mais dont on trouve aussi des échos au niveau européen dans la reconnaissance du " dialogue social " comme source autonome du droit communautaire. Jamais depuis des décennies, la question de la participation des intérêts sociaux à la régulation politique n’a été posée avec autant d’acuité ; mais jamais sans doute des sciences sociales trop souvent enfermées dans leur carcan disciplinaire n’ont été aussi désarmées théoriquement pour produire l’intelligibilité des mutations en cours.

Du côté de la science politique, la tradition d’étude des groupes d’intérêt tend à réduire la spécificité des objets et des modalités d’institutionnalisation des relations entre les acteurs du rapport salarial et l’Etat. Faut-il voir ici la conséquence des conditions de la réception en France des travaux néo-corporatistes dans les années 1970 et 1980 ? Au-delà du champ des travaux dédiés au politique, l’enfermement disciplinaire – bien davantage que la simple division du travail – est en cause dans la faible reconnaissance des relations professionnelles dans le monde académique hexagonal (à la différence des pays anglo-saxons notamment, où leur étude forme une discipline en tant que telle, nourrie de multiples apports). A l’exception de la théorie de la régulation, les courants de political economy qui forment aujourd’hui le vecteur principal d’analyse des relations professionnelles au niveau international sont absents de la scène scientifique française.

Mais la structuration du champ scientifique dans ce domaine est aussi le symptôme de la fragilité persistante de la démocratie sociale dans l’ordre de la pratique politique. Car ce qui caractérise au fond le système français des relations professionnelles – plus sans doute que la division et la faiblesse de ses syndicats, la méfiance du patronat à l’égard de ses interlocuteurs et l’emprise de l’Etat – c’est bien l’incapacité de penser positivement, et donc d’organiser dans un cadre institutionnel stable, la participation des représentants du "Capital" et du "Travail" à l’exercice de la gouverne politique. Davantage que les discours rituels célébrant la nécessité de la démocratie sociale, les sciences du politique nous semblent pouvoir contribuer utilement à la réflexion sur les fondements et les conditions d’un renouvellement des formes d’articulation entre démocratie sociale et démocratie politique.

Mettre à l’épreuve la conviction que la politique des relations professionnelles est source d’enseignements précurseurs pour décrire et comprendre les nouveaux cours de la régulation politique ; explorer les logiques, souvent ambigües en France, du rapport du politique aux organes et institutions de la démocratie sociale, tel pourrait être le fil rouge proposé aux travaux invités autour de la table ronde. Aux côtés des approches de science politique, les contributions relevant de la sociologie – notamment de la sociologie du droit – de l’histoire ou de l’économie pourront s’ordonner autour de quelques grands axes thématiques. A ce stade, quatre registres d’interrogations se dessinent, dont il faudra le cas échéant préciser plus finement les orientations pour en améliorer la cohérence d’ensemble :

1° L’enracinement historique des systèmes de relations professionnelles et de leur rapport au politique

Les exercices de comparaison internationale portant sur la structuration des intérêts organisés et leur implication dans les politiques publiques ont souvent rendu les armes devant la spécificité du " cas français ", généralement traité à part voire même ignoré. Des analyses empiriques fines, rendant compte des processus historiques de différenciation de " modèles nationaux " de relations professionnelles, dans leur rapport au politique, semblent plus à même de faire émerger la singularité de la situation française. L’institutionnalisation du " partenariat social ", et ses déclinaisons nationales, pourrait constituer l’un des objets traités dans cet axe.

2° Les cadres théoriques revisités

A trop vouloir prendre des distances avec la première " vague " du néo-corporatisme – et avec des approches typologiques il est vrai peu opératoires au regard des caractéristiques des intérêts sociaux en France – n’a t’on pas mésestimé les potentialités que recelait une lecture dynamique des mécanismes d’échange politique entre pouvoirs publics et intérêts sociaux organisés ? La revitalisation des études européennes sur les pactes sociaux les différentes figures du competitive corporatism (M. Rhodes) depuis la fin des années 1990 contraste singulièrement avec la rareté des travaux français. A tout le moins, de nombreux enseignements restent à tirer de l’application des cadres théoriques revisités de la " politique des intérêts " au contexte national, a fortiori si elle s’insère dans une perspective comparative.

3° Politiques publiques et relations professionnelles : dépendances croisées

En dépit du sens commun libéral ou des tentations étatistes, les interactions entre les systèmes d’action publique et la sphère des relations professionnelles apparaissent de plus en plus fortes. Bien qu’elles voient leur place contestée par de nouveaux porteurs d’intérêts, les organisations représentatives du monde du travail sont toujours les partenaires obligés des pouvoirs publics pour de très nombreuses politiques, bien au-delà du champ travail-emploi-protection sociale (par exemple en matière de développement économique local). De nombreux travaux mériteraient d’être confrontés pour cerner le faisceau de dépendances croisées entre systèmes de relations professionnelles et politiques publiques : quel est l’impact des nouvelles logiques de l’action publique (décentralisation, partenariat, négociation…) sur les stratégies, les logiques d’action collective et les modalités d’organisation de la représentation des intérêts ? Quel est en retour le degré de dépendance de l’action publique – dans les objets qu’elle se donne, les " solutions " qu’elle promeut et ses modes opératoires – à l’égard des stratégies et des modes d’organisation des intérêts sociaux ?

4° Le " dialogue social " comme instrument d’une action publique négociée : quels objets, quelles garanties collectives, quels acteurs ?

La recherche d’une " bonne articulation " entre démocratie politique et démocratie sociale sert souvent de prétexte à une instrumentalisation du dialogue social, en vue de conformer le produit de la négociation à une certaine "normalité" sociale et économique (cf. l’échange "RTT/flexibilité contre emploi" dans les lois " Aubry "). Le cas n’est pas isolé et peut renvoyer, de façon générale, à l’élargissement des fonctions de la négociation à des questions (l’emploi, l’égalité professionnelle, l’impact environnemental etc.) qui excèdent les termes traditionnels de la relation salariale. Ce mouvement est perceptible au travers d’un renouvellement des espaces de régulation pertinents (le territoire, le système productif local ou mondial…), des " porteurs d’intérêts " (au-delà du salarié, le consommateur), des types de droits et garanties collectives produits par la négociation et des outils de normalisation. Des travaux à visées plutôt empiriques portant sur des thèmes, des espaces et des acteurs récemment institués dans le dialogue social, à l’échelle nationale ou européenne, seront ici particulièrement appréciés.

 

Table ronde 4 : Les régimes politiques revisités : analyse comparative des recompositions des rapports politics/policies

Cette table ronde se donne un double objectif :

- D’une part, Il s’agit d’observer les recompositions des rapports qu’entretiennent, selon la dichotomie classique, les règles d’accès et de maintien au gouvernement (politics) et les formes de la production et de la distribution des biens collectifs (policies).

- D’autre part, ce débat conduira à discuter, grâce à la démarche comparative, les critères d’une éventuelle redéfinition des régimes politiques, en interrogeant à nouveau les critères des frontières séparant démocraties et autoritarismes.

I. Comparer les régimes politiques à partir de l’hypothèse des recompositions du rapport politics/policies

Cette table ronde souhaite tester l’hypothèse d’une redéfinition de la démarcation entre politics et policies dans l’ensemble des régimes politiques qui amènerait un brouillage de la distinction analytique classique entre " démocraties " et " autoritarismes ". Pour ce faire, l’objectif est ici d’user de la méthode de la comparaison internationale.

1. Politics/policies : l’hypothèse d’une recomposition

Le rapport Politics/policies  a été pensé essentiellement de deux manières. D’une part, un comme une ordonnancement hiérarchique qui envisage l’action de produire des biens collectifs, dans une société, et comme le résultat de l’action de gouvernants légitimés par l’élection (avec les deux schémas classiques : systémique input/output ; échange vote contre redistribution de bien publics sur le marché électoral). D’autre part, le rapport Politics/policies a été analysé comme un ordonnancement pactisé qui envisage l’action de produire des politiques publiques comme le résultat d’ententes entre des groupes sectoriels et/ou sociaux et les gouvernants (avec les deux schémas là encore classiques : les modèles socio-historiquement situés du néo-corporatistes, de l’oligarchie ou du pluralisme ; le modèle autoritaire de l’échange entre élites politiques et " coalitions " de soutien ou des " factions " alternatives dans des pays en voie d’ " approfondissement " de leur industrialisation ou internationalisation).

Or, l’intérêt de revenir sur le rapport politics/policies, se trouverait relancé par des recompositions qui toucheraient l’ensemble des pays et des régimes :

- Du côté politics, si la norme démocratique traditionnelle (légitimité électorale et représentative, séparation des pouvoirs) est partagée comme modes d’accès au politique et d’exercice du pouvoir légitimes, il semble qu’elle soit concurrencée par d’autres formes, plus participatives et/ou revendicatives (mobilisations, participation, concertation), et/ou basées sur une légitimité experte (légitimation par la connaissance) parfois importée. De leur côté, les régimes autoritaires paraissent eux aussi contraints de composer avec ces légitimités émergentes. Quel que soit le régime donc, la mise en concurrence des gouvernants issus des canaux traditionnellement légitimes (légitimité des éligibles ou des cooptés selon les pays) avec d’autres types de légitimités est balbutiante mais réelle.

- Du côté policies, les analystes ont repéré des recompositions qui affectent directement les conceptions, là encore classiques, des politiques publiques, dont on citera ici les plus reconnues : interventions de plus en plus prégnantes des niveaux supra nationaux (régionaux, internationaux) et transnationaux ; entrisme des " publics " (et non plus " cibles ") multiples dans le processus décisionnel (mobilisations, militance experte, réseaux…) avec le renforcement de pratiques participatives  ; territorialisation des dynamiques de fabrication des politiques publiques ; émergence de " gouvernements intermédiaires " sous forme de " réseaux " et autres systèmes d’action élitistes et cloturés ; repositionnement parallèle des Etats face à ces multiples processus et acteurs dans le sens d’une posture plus accompagnatrice de la " tyrannie des processus " de fabrication des dispositifs de politiques publiques.

2. Reconsidérer la classification des régimes politiques ?

Ainsi, la comparaison des recompositions politics/policies nous amènerait à reconsidérer la distinction analytique classique entre " démocraties " et " autoritarismes ".

Les analyses en terme de transition démocratique ou de " démocratie d’ailleurs " (Jaffrelot, 2000) s’affairent autour de régimes qui n’appartiennent pas au carré des " inventeurs " du régime démocratique. Or, ces pionniers ne sont-ils pas non plus exempts, aujourd’hui, d’une réinvention à travers le développement de modes de participation, par essence non représentatifs, aux décisions et au débat public qui revisiteraient le rapport politics/policies ? En ce sens, face à ses transformations on peut se poser la question de savoir si les démocraties historiques sont plus " avancées " par rapport aux pays nouvellement démocratiques ou par rapport aux pays autoritaires. En insistant sur des canaux parallèles de définition de la chose publique ou sur des modalités d’arrangement et de fabrication de normes parallèles ou conjointes aux formes autoritaires et démocratiques traditionnelles, cette table ronde voudrait éprouver la comparaison des processus à l’œuvre, maintenant, ici et ailleurs, de redéfinition de ce qui était considéré comme des classiques de la définition des ordres politiques contemporains.

II. Quatre entrées thématiques pour analyser les recompositions du rapport Politics/policies

D’une part, les formes de légitimation classiques des différents régimes politiques vivraient, de manière concomitante, une confrontation avec des espaces élargis et concurrentiels d’interactions (multi-niveaux, compétences expertes et/ou participatives). D’autre part, les régimes démocratiques et autoritaires seraient en phase de recyclage de leurs contradictions constitutives puisque, d’un côté, les polyarchies démocratiques se retrouveraient aujourd’hui aux prises avec des coalitions de plus en plus élitistes et non représentatives et, d’un autre côté, les autoritarismes élitistes gèreraient des ouvertures pluralistes.

1. Légitimation et interactions multi-niveauxLes normes internationales diffèrent des normes de politiques publiques classiques dans la mesure où, d’une part, leur processus de fabrication et leurs usages s’incrustent dans la structure multi-niveaux de fabrication des politiques publiques (de la définition la plus intergouvernementale classique au bricolage territorialisé le plus négocié de leurs usages par les acteurs qui les mettent en oeuvre), et où, d’autre part, elles placent en porte à faux les gouvernants nationaux qui doivent réinventer une posture face à des normes dont ils ne possèdent plus le monopole de fabrication.

Le renforcement des niveaux international et/ou supra-national engage inévitablement une discussion sur la question de savoir si les territoires nationaux, traditionnellement désignés comme récepteurs des politiques publiques, et leurs entreprises de domination légitimes qui se voyaient reconnaître l’attribut d’autorités publiques productrices de ces politiques, disposent encore des " marges de manœuvre " et des ressources pour s’imposer dans le jeu concurrentiel de la définition de la chose publique.

Faut-il pencher pour une interprétation unilatérale allant dans le sens de la disparition des jeux politiques nationaux (politics) et des " capacités à résoudre les problèmes " des gouvernements nationaux (policies) (Scharpf, 2000) ? Faut-il plutôt évoquer un repositionnement de ces entreprises de domination, de leur mode d’intervention et de leurs ressources traditionnelles, face à la nouvelle donne (Roitman, 1999 ; Henry, Springborg, 2001) ? Ou bien encore, faut-il plaider pour la persistance, voir le renforcement des " avantages institutionnels " de chacun des Etats face à l’internationalisation en invoquant la " variété " des modes d’acclimatation à la " globalisation " (Hall, Soskice, 2001).

Pour répondre à ces questions, on ne peut certainement pas se satisfaire d’une approche top/down des rapports entre les niveaux d’action publique (infra-national/national/supra-national/international). A côté des analyses de type relations internationales et dans la lignée des travaux portant sur l’interaction entre internationalization et domestic politics (Keohane, Milner, 1996), il convient notamment de s’intéresser à deux phénomènes susceptibles d’éclairer les recompositions : pas seulement les postures nouvelles des acteurs étatiques dans cet enchevêtrement d’interactions multi-niveaux (Loughlin, 2004 ; Hassentaufel, Hennion-Moreau, 2003), mais aussi les bricolages territorialisés des politiques publiques régies par les niveaux internationaux et/ou supra-nationaux.

Qu’il s’agisse du droit international qui régit les échanges commerciaux mondiaux ou des politiques environnementales par exemple, ou de la jurisprudence des différentes Cours (internationales, européenne), des analyses comparées minutieuses devraient permettre d’observer les différentiels de leur traduction et de leur mise en œuvre hétéroclites selon les régimes et les sociétés qui les importent.

2. Légitimation et pratiques participatives

La séparation des pouvoirs canonique ne tient pas compte de l’arrivée de pouvoirs non issus de l’Etat de droit ni du système électif. Le pan électif des démocraties a aujourd’hui à faire à un autre pan, impensé : l’intervention grandissante d’acteurs, nombreux et non élus, dans les choix collectifs par l’intermédiaire de pratiques participatives plus ou moins instituées.

Le constat de la participation n’est pas un phénomène nouveau comme le montrent les travaux socio-historiques sur la fabrication des politiques publiques (Laborier, Trom, 2003). Cependant, il semble s’amplifier dans de nombreux pays (Mitra, 1992 ; Albo, Langile, Panitch, 1993 ; Avritzer, 2002), même s’il ne faut pas céder à la normativité tant ce discours retourne souvent de la mythologie démocratique directe comme le montrent des études récentes (Jouve, Booth, 2004). Si bien qu’il conviendrait d’investiguer prudemment sur le phénomène de contournement des gouvernants et de leur légitimation classiques par ces formes d’entrée des " publics " sur la scène des politiques publiques dans les différents types de régimes.

L’analyse des politiques publiques montre que la phase de mobilisation des acteurs collectifs est une séquence décisive de leur élaboration (Setbon, 1993 ; Laville, 2001 ; Hermet, 2000). Certaines politiques publiques qualifiées de " nouvelles ", s’institutionnalisent en même temps que les acteurs collectifs (associations…) trouvent place, certes difficilement, dans le paysage recomposé de l’action publique : économie solidaire, tiers secteur, lutte contre la faim, aménagement urbain, gestion des risques naturels, environnementaux ou de santé… Quels que soient les régimes concernés, il faut donc s’interroger sur ces processus concomitants d’institutionnalisation de ces politiques publiques, d’institutionnalisation de ces collectifs dans l’action publique, et d’interactions parallèles avec les gouvernants. Entre autonomie d’action et dépendance par rapport aux gouvernants, les pratiques participatives s’intercalent dans la relation traditionnelle entre l’électeur et le gouvernant ou entre les coalitions et les élites gouvernantes.

La comparaison, territoire par territoire, des différents types de participation à l’élaboration des politiques publiques dans les différents régimes, permettrait d’y voir plus clair dans l’hétérogénéité des causes et des effets de leur émergence selon les régimes et sociétés considérées.

3. Légitimation et compétences expertes

Parmi les acteurs " nouveaux " des politiques publiques, disposant d’une légitimité spécifique, mais réelle, dans le processus de fabrication des politiques publiques, se trouvent les experts (qu’ils soient scientifiques ou autres), figures originales dans l’action politique, dont la légitimité repose sur leur connaissance " de second ordre ". Cette figure est multi-faciale et cache en fait une multitude de professionalismes, de connaissances, de légitimités et de pratiques : expert scientifique, expert-militant, praticien-expert, consultant, expert international… Leurs modes d’intervention peuvent-être liés au marché de l’expertise et/ou lié à des " communautés épistémiques " dont les analystes ont montré la redoutable efficacité (d’autant plus lorsqu’elles sont transnationales) dans la mesure où elle sont vendeuses de " prêt à agir " aux gouvernements. Il convient donc de s’interroger : premièrement sur le rôle réel des experts et des agences de savoir (observatoires, think tanks, comitologie, marché de la consultance…) dans le processus de fabrication des politiques publiques, autrement dit sur les rapports de coopération/concurrence entretenus avec les gouvernants issus des filières traditionnelles ; deuxièmement, sur les passerelles existantes entre légitimité experte et les formes de légitimité classiques (élective, militaire, néo-patrimoniale ou autres types de leadership) ; troisièmement, sur la concurrence entre la parole légitime des experts et celle des gouvernants dans les espaces publics ou " forum " de politiques publiques, que ces derniers soient, selon les régimes, constitués ou naissants.

4. les coalitions comme forme de gouvernement " démocratique " et " autoritaire "

Dans les régimes estampillés " autoritaires ", les coalitions (Collier, 1979) et les " fractions " (Bayart, 1989) se verraient maintenant concurrencées par des pratiques de participation et par l’entrée de nouveaux acteurs dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques. Si l’on s’est interrogé, par le passé, sur les rapports de causalité entre les transformations des coalitions de soutien aux régimes autoritaire, la nature de ces régimes et le contenu des politiques publiques, il conviendrait aujourd’hui de poursuivre cette réflexion en y intégrant les constats sur la transformation des rapports politics/policies. Les observations sur les régimes autoritaires montrent combien d’un côté, les relations entre les élites du pouvoir et les coalitions sociales qui les soutiennent sont le plus souvent liées à une cooptation aléatoire de la part des élites du régime et, d’un autre côté, combien les politiques publiques étaient liées à la nécessité pour ces gouvernants de faire corps avec leurs soutiens (Collier, 1979). Or, l’autonomisation d’espaces de discussion parallèles et d’acteurs non cooptés mais porteurs de " raisons pour agir " ainsi que d’une forme de légitimité parallèle à la coalition en place, demande à l’analyste de compléter ou au moins de tester à nouveau le schéma d’analyse classiquement appliqué à ces régimes.

Ces contestations et propositions semblent promouvoir l’idée que les approches en terme de " pluralisme limité " et de " gouvernement illimité " dans le temps ne définiraient plus autant ces régimes (Linz, 1964, 2002).

Il est par ailleurs frappant de voir que les travaux actuels sur l’action publique dans les pays estampillés " démocratiques " s’orientent à leur tour, depuis quelques années, vers l’analyse de coalitions relativement closes et élitistes (dans la lignée des analyses en terme de réseaux par exemple) qui, certes dans un contexte particulièrement pluraliste et concurrentiel, contribuent à la redéfinition des rapports politics/policies, et par-là même, à celle de ces régimes politiques. Les politiques publiques prendraient alors forme dans des " gouvernements intermédiaires " au profil particulièrement élitiste, qui plus est échappant à tout contrôle représentatif, qui rapprocheraient ainsi certaines policies dans les " démocraties classiques " des formes autoritaires du politics.

Dans un tel contexte, il faudrait questionner le gap qui serait grandissant entre, d’un côté, la " politique électorale " de la démocratie représentative (définition de programmes d’action et d’enjeux électoraux, conquête électorale des positions de pouvoir) et, d’autre part, la " politique des problèmes " (pour résumer, la négociation des dispositifs de politiques publiques entre les acteurs multiples - " publics ", réseaux, " gouvernements intermédiaires ", procédures participatives…) où les gouvernants élus ne maîtrisent alors plus le destin de leurs engagements (Leca, 1995).

Plusieurs pistes mériteraient alors approfondissement : le premier exemple de piste est la fabrication et le fonctionnement interne des réseaux et de leur hiérarchie interne, réseaux où circulent des ressources à la fois issues de la légitimité électorale —accès aux lieux de décision et de pouvoir de la démocratie représentative…-, et de celles des secteurs sociaux concernés — expertise, représentativité d’un groupe ou d’un " problème ", capital social accumulé dans un secteur… ; deuxième exemple, la fabrication de figures particulières des politiques publiques que sont les " passeurs " qui assurent les connections entre politics et policies (quels sont leurs parcours, quelles sont leurs ressources, quelles sont les organisations les plus " efficaces " dans ce type de travail social ?) ; le troisième exemple de piste d’analyse est le travail des élus pris au quotidien entre politics et policies : mode de gestion du long terme, mode d’articulation entre clientèle électorale et définition post-électorale des actions publiques, mode de gestion des contradictions entre posture de l’élu mandaté et posture de l’élu récepteur de doléances ou négociateur au quotidien de compromis sur les dispositifs de politiques publiques.

                                        III. Calibrage des propositions de contribution

Sur le fonds, cette table ronde souhaite mettre en valeur des contributions à la fois empiriques et comparatives. Aussi, selon cet objectif, les monographies qui ne reposent pas sur une démarche comparative revêtent un intérêt secondaire.

Sur la forme, les propositions de contribution ne devront pas dépasser quatre à cinq pages (environ 2000 mots).

Les propositions devront parvenir aux deux adresses suivantes avant le 15 décembre :

michel.camau@iep-aix.fr ; gillesmassardier@yahoo.fr

IV. REPERES BIBLIOGRAPHIQUES

- Albo G., Langile D., Panitch L., A different Kind of State ? Popular Power and Democratic Administration, Oxford University Press, 1993 - Avritzer L., Democracy and the Public Space in Latin America, Princeton University Press, 2002 - Barthélémy M., Associations : un nouvelle âge de la participation ?, Presses de Sciences Po, 2000 - Bayart J-F., L’Etat en Afrique, Fayard, 1989 - Collier D. (ed.), The new Authoritarism in Latin America, Princeton Univesity Press, 1979 - Jaffrelot C. (dir.), Démocraties d’ailleurs, Kathala-CERI, 2000 - Jouve B., Booth P. (dir.), Démocraties métropolitaines. Transformation de l’Etat et politiques urbaines au Canada, en France et en Grande Bretagne, Presses de l’Université du Québec, 2004 - Hall P., Soskice D. (eds), Varieties of Capitalism. The New Industrial Fondation of Comparative Advantage, Oxford University Press, 2001 - Hassenteufel P., Hennion-Moreau S., Concurrence et protection sociale en Europe, PUR, 2003 - Hermet G., Culture et développement, Presses de Sciences Po, 2000 - Keohane R.O., Milner H., Internationalization and Domestic Politics, Cambridge University Press, 1996 - Laborier P., Trom D, Historicités de l’action publique, PUF, CURAPP, 2003. - Laville J-L., " Les raisons d’être des associations ", dans Revue du Mauss, " Association, démocratie et société civile ", La découverte, 2001 - Leca J., " La ‘gouvernance’ de la France sous la Vème République. Une perspective de sociologie comparative ", dans D’Arcy F., Rouban L., De la Vème République à l’Europe, Presses de Sciences Po, 1996, pp. 329-365 - Linz J., " An Authoritarism Regime : Spain ", dans Allard E. et Alii, Cleavages, Ideology and Party Systems, The Academic Bookstore, 1964, pp. 291-341 - Linz J., " Les contraintes temporelles de la démocratie ", dans Santiso J. (dir.), A la recherche de la démocratie, Karthala-CERI, 2002, pp. 13-41 - Loughlin J. (ed.), Subnational Democracy in the European Union. Challenges and Opportunities, Oxford University Press, 2004 - Henry C.M, Springborg R., Globalization and the Politics of Development in the Middle East, Cambridge University Press, 2001 - Mitra S.K., Power, Protest and Participation. Local Elites and the Politics of Development in India, Routledge, 1992 - Quermonne J.L., Les régimes politiques occidentaux, seuil, 1994 - Roitman J., " Le pouvoir n’est pas souverain. Nouvelles autorités régulatrices et transformation de l’Etat dans le bassin du lac Tchad ", dans Hibou B. (dir.), La privatisation des Etats, Karthala-CERI, 1999, pp. 163-196 - Scharpf F., Gouverner l’Europe, Presses de Sciences Po, 2000 - Setbon M., Pouvoirs contre SIDA. De la transfusion sanguine au dépistage : décisions pratiques en France, Grande-Bretagne et Suède, Seuil, 1993  

 

 

Table ronde 5 : L'énonciation des normes internationales

Table ronde organisée par :

Y. Schemeil (Institut d’Etudes Politiques de Grenoble)

W. Eberwein (Institut d’Etudes Politiques de Grenoble)

L’étude des relations internationales, transnationales, et de la mondialisation s’est très tôt focalisée sur les normes juridiques au sens strict du terme (les traités, le droit international, les textes contraignants produits par les institutions et leurs chartes). Ces normes étaient présumées nécessaires sinon suffisantes pour éviter un dérèglement excessif des interactions " anarchiques " entre Etats, elles n’étaient pas conçues comme permettant de parvenir à un gouvernement mondial.

Les travaux en relations internationales s’intéressent aujourd’hui à un autre type de normes, les normes philosophiques et procédurales.

Les politistes, comme les auteurs de toute discipline (histoire, économie, science politique et bien sûr, droit) opérant dans le domaine des RI sont ainsi conduits à réfléchir de façon plus approfondie et simultanée aux enjeux liés à la " juridicisation " et à la " normalisation " croissantes des rapports internationaux.

1 - On assiste en RI à un retour des questions posées par le droit mais en des termes différents, aussi bien dans le monde réel que dans le monde de la pensée.

" Juridicisation " et " normalisation " ont une double signification. Les deux termes soulignent à la fois :

De tels phénomènes ne pouvaient rester sans effet sur la manière de les concevoir et de les expliquer.

    1. Dans le monde réel, " cours " et " tribunaux " ont foisonné en moins de dix ans. Le TPI et le Tribunal sur le Rwanda se sont ajouté aux Cours internationales et européennes ; les organismes de règlement des différends faisant appel à des juges professionnels se sont créé à l’OMC et à l’OMPI. Les accords internationaux obtenus et garantis par des médiateurs et prenant en compte des aspects particulièrement précis de la vie quotidienne ou de la vie économique (comme la vaccination, le versement des retraites des agents publics, le traitement fiscal, les reprises de dette, etc.) ont été signés en nombre depuis ceux d’Oslo en 1993. Les accords de désarmement, de non dissémination ou de contrôle des armements non conventionnels sont de plus en plus techniques et détaillés, ils impliquent une conformité de plus en plus complaisante des Etats visés par les citations à comparaître de leurs ressortissants. Les inspections, les jugements, et les avis donnés par des groupes d’experts arbitrent désormais les différends entre Etats.

    2. Les organisations multilatérales se sont lentement érigées en prescripteurs d’opinion et de comportements. Leurs délibérations ont rarement force exécutoire, mais elles énoncent des objectifs auxquels les acteurs sont contraints de se référer. C’est vrai quand les normes servent leurs intérêts, mais c’est également vrai quand ils s’opposent à ces jugements évaluatifs, comme le font les ONG concentrant leurs critiques sur une ou deux OIG. On observe même une accélération brutale de ce processus depuis 1989, comme en témoigne la création en 1995 d‘une organisation mondiale du commerce capable d’imposer pacifiquement ses disciplines et ses verdicts à ses membres, alors que le premier essai de création d’un organisme simplement voué au libre-échange avait échoué en 1948.

      On assiste aussi à une demande de normes et de règles venant d’acteurs non étatiques agissant de façon transfrontalière. Les firmes pénétrant les marchés qui s’ouvrent dans des systèmes jadis autoritaires, et les ONG tentant de rendre prioritaires les droits imprescriptibles de la personne humaine dans des sociétés où ils ne sont pas encore prioritaires réclament un accompagnement institutionnel, des garanties juridiques, des gentlemen’s agreements leur permettant d’agir en limitant l’incertitude et l’insécurité.

    3. Dans le domaine de la pensée, les philosophes politiques sont sortis de l’espace domestique dans lequel ils se cantonnaient pour se saisir des questions non nationales. Simultanément, les enjeux éthiques et normatifs des échanges internationaux devenaient un objet de préoccupation croissante chez les politistes.

    4. La " théorie politique " a rencontré la " théorie des relations internationales ", ou l’inverse. On ne se contente plus aujourd’hui de puiser son inspiration dans l’histoire des idées et les œuvres doctrinales classiques (Thucydide, Machiavel, Hobbes, Kant, Locke, etc.). On " revisite " les postulats de la théorie des jeux, et de l’approche des choix rationnels, dans la mesure où ces approches engendrent de nouvelles hypothèses sur l’explication des interactions dans le monde.

      Parallèlement, le débat sur les enjeux du droit dans le fondement de systèmes politiques " justes " a influencé la plupart des approches non " réalistes " des RI. Ce mouvement est comparable à celui qui a conduit, d’une part, la sociologie des politiques publiques de l’institutionnalisme au néo-institutionnalisme ; et, d’autre part, l’épistémologie des RI du réalisme au constructivisme. Après une période de prise de distance avec les pensées normatives on y revient aujourd’hui, mais sous des formes qui se veulent scientifiques.

    5. Ces raisons justifieraient à elles seules une mise à plat des travaux et des courants de pensée qui font désormais un usage central des normes et des règles. On y ajoutera un constat empirique au croisement des deux mouvements du monde réel et de la pensée : dans son fonctionnement ordinaire, le domaine mondial est par excellence un espace d’énonciation et de dénonciation.

Il est espace de création verbale de normes, d’usage tactique de locutions performatives, de stratégies de contrôle du débat public — celui qui est conduit à la fois dans les enceintes usuelles de la démocratie représentative et dans les huis clos de la démocratie délibérative. Ce que l’on a appelé dans notre discipline " l’énonciation du politique ", " l’imposition de problématiques " et le " politiquement correct " s’y observe couramment.

Ces processus ne sont jamais découplés des rapports de force qu’ils expriment et rendent acceptables, voire légitimes ; mais, en deçà de la guerre ouverte, la maîtrise des mécanismes d’invocation de l’intérêt commun, de montée en généralité, de recours aux institutions, est une condition de l’action. Ainsi, l’UNESCO ne peut-elle " mettre en œuvre " ses résolutions (sur le " patrimoine immatériel " ou sur le " droit à l’éducation pour tous ") que par l’intermédiaire de l’OMPI (garant et juge) et de la Banque Mondiale (prêteur et maître d’œuvre), lesquelles en profitent pour greffer sur les constructions normatives d’une institution ouvertement vouée au Bien Commun leur propre énoncés normatifs de portée plus instrumentale (respectivement, la protection de la propriété intellectuelle individuelle et des savoirs traditionnels collectifs, et l’investissement éducatif dans le capital humain).

Il en va de même pour les ONG de " plaidoyer " (advocacy) dénonçant le travail des enfants, le commerce inéquitable, les mines antipersonnelles, la maltraitance des femmes, la biopiraterie, etc. : elles ne peuvent voir leurs normes respectées qu’une fois incorporées aux discours et aux pratiques d’organisations internationales puissantes (l’OIT, l’OMS, l’OMC) et, parfois, plus confidentielles mais néanmoins très efficaces (comme les GONGOs chargées du désarmement et de la non dissémination). Toutes ne sont pas dans la position bien établie d’un CICR, qui dépend néanmoins lui aussi de la bonne volonté des Etats (ou de ses sociétés nationales) pour que ses préceptes soient codifiés et respectés.

Des processus de traduction entre les format et langage des organisations internationales et ceux des Etats et acteurs de la scène intérieure existent, il est vrai. Des organismes apparemment conçus pour fournir des données scientifiques sur lesquelles des mesures publiques pourront ensuite être prises, soit par d’autres organisations (comme l’ONU), soit par des agences nationales (comme les météorologies nationales que l’OMM sollicite et presse d’agir, les ministères que le PNUD conseille et tance) comptent sur ces " retraductions " pour être utiles.

Celles-ci peuvent se greffer sur n’importe quel maillon de la chaîne de conseils allant du rapport qui circule au sein d’une " communauté épistémique " au mémoire en réponse rédigé par des fonctionnaires nationaux en réaction aux études commanditées officiellement par les DG des organisations multilatérales qui leur sont adressées pour suite à donner. Le PNUD et le PNUE, mais aussi le GICC/IPCC (sur le changement climatiques) sont coutumiers de ce genre d’interactions difficiles et frustrantes pour tous les partenaires, leur seule chance d’être efficaces est que leur discours soit repris dans le langage politique local (qu’il s’agisse d’émissions polluantes, d’une part ; de corruption et de gaspillage, d’autre part - pour s’en tenir aux exemples donnés).

2 - C’est ici que les hypothèses sur la " résonance " et la " dissonance " entre normes internationales et normes nationales méritent d’être testées.

2.1. Ces notions ne se contentent pas de redoubler les vocables habituels en sociologie et psychologie politique de " convergence " et " divergence " : elles ajoutent des éléments théoriques qui méritent d’être évalués. Résonance peut en effet s’entendre de deux façons : comme " homothétie " (donc convergence par analogie structurelle) ; et comme " redondance " dont l’impact sur les perceptions est tel qu’il facilite grandement les processus de validation interne d’une injonction d’origine externe (un cas particulier de ce que Susan Strange a nommé " pouvoir structurel "). Il est alors plus facile d’endosser une initiative prise dans une organisation internationale, fut-ce à l’initiative des représentants permanents du pays auquel on appartient. Le raisonnement inverse peut être fait sur la divergence et la dissonance. L’Irak actuel est un excellent exemple du genre de problèmes que ces approches permettent de traiter : les normes démocratiques pourront-elles être imposées de l’extérieur et si, oui, lesquelles ? On peut supposer que seules les normes qui ont une signification pour les Irakiens (celles qui font sens pour eux, et " sonnent juste " ), seront comprises et acceptées.

2.2. On ne peut pas non plus imputer des hypothèses aux seuls courants " constructivistes " voire " cognitivistes " de la discipline. Il ne s’agit pas de se cantonner aux opérations mentales par lesquelles les acteurs (en particulier des négociateurs) construisent ou découvrent leur identité (du moins celle qu’ils décident de se donner dans les relations internationales). Certes, on doit à des auteurs de cette obédience d’avoir les premiers insisté sur les questions de " perception " et de " mauvaise appréciation " des attentes de leurs partenaires ou adversaires : dans cette démarche, ils ont rencontré le problème des probabilités de réussite affectées aux négociations internationales, et aux facteurs qui accroissent ces chances (convergence, résonance, empathie). Mais les théoriciens des jeux eux-mêmes ont été conduits à des hypothèses sur l’attribution d’une signification au jeu auquel participent les acteurs, et donc d’une identité donnée à chacun des adversaires (héros, couard, leader, prudent, etc.). D’autres " rationalistes " ont distingué des zones de convergence (" the core ") et des zones périphériques où les rencontres et les compromis entre exigences contradictoires sont moins probables.

 

3 —L’organisation de la table ronde :

3.1. Objectifs : Il reviendra aux participants à cette table ronde

3.2. Agenda :

L’ordre des présentations pourrait ainsi aller du plus théorique au plus empirique, et s présenter à peu près de la façon suivante.

 

Session 1 : La question des normes dans le débat théorique (Présidence, discutant : Sabine Saurugger, Bertrand Badie)

Session 2 : L’énonciation de normes dans le débat public (Présidence, discutant : Pierre Allan, Klaus-Gerd Giesen)

Session 3: Convergence et divergence des normes internationales et des normes internes (Présidence, discutant : Jean Leca, Wolf-Dieter Eberwein)

Session 4 : La création de normes dans les procédures de règlement des différends (Présidence, discutant  : Jérôme Sgard, Camille Mansour)

Session 5 : La codification de normes (Présidence,  discutant : Marie-Claude Smouts, Pierre de Senarclens)

 

Table ronde 6 "internationale" : Villes, Régions, Etats, Europe : l'action publique à l'épreuve des changements d'échelle

Table ronde organisée par : Alain Faure, Jean-Philippe Leresche, Pierre Muller, Stéphane Nahrath, Yannis Papadopoulos & Andy Smith

    Cette table ronde a été conçue en partenariat pour développer les échanges et les coopérations entre l’Association Suisse de Science Politique (ASSP) et l’Association Française de Science Politique (AFSP). Pour son organisation et son animation, elle réunit Jean-Philippe Leresche, Stéphane Nahrath et Yannis Papadopoulos côté suisse, et Alain Faure, Pierre Muller et Andy Smith côté français.  

La question des changements d’échelle territoriale dans la conduite des politiques publiques est à la fois classique et stimulante. Classique parce que connue et souvent étudiée : qu’ils fonctionnent sur des fondations centralisées ou sur le principe de subsidiarité, les Etats ont toujours partagé pour partie leurs ressources de légitimité et de souveraineté avec des collectivités infra et supra nationales. Stimulante néanmoins parce qu’il semble que cette construction partagée des priorités se complique singulièrement depuis quelques décennies avec la décentralisation, la construction européenne et la globalisation. Les réflexions sur l’érosion des États, le tournant néo-libéral, la multi-level governance et le retour des villes sont autant d’approches qui illustrent cette complexité croissante des emboîtements et des superpositions de responsabilités entre les différents niveaux d’intervention publique. Tout le problème est de savoir comment ces déplacements de compétences entre l’Europe, les Etats nationaux, les régions et les villes modifient les formes et les contenus de l’action publique. Standardisation, hybridation ou différenciation ? Recentralisation, délégation ou fragmentation ? Sectorisation, spécialisation ou territorialisation ? L’action publique se trouve placée " à l’épreuve " des changements d’échelle au sens où l’extrême diversité des situations ne donne pas d’indications facilement interprétables sur le sens des transformations en cours.

Les organisateurs souhaitent donc ouvrir des débats sur l’origine de ces changements (pourquoi et comment une politique publique quitte un échelon pour un autre) et sur les effets qui en découlent (la nature des stratégies d’acteurs, des arrangements institutionnels, des impacts et des prestations observées). Dans le même temps, ces analyses pourront comporter des questionnements d’ordre plus méthodologique. Quels sont les problèmes que rencontrent les observateurs dans l’étude des changements d’échelle ? Le fait même de focaliser les analyses sur les échelles induit-il des outils et des données particulières ? Les difficultés classiques des travaux comparatistes sont-elles amplifiées dans ce contexte ou au contraire atténuées ?

La réflexion s’articulera autour de quatre thématiques qui feront l’objet chacune d’une demi-journée d’échange : les nouvelles donnes européennes, la compétition politique, les approches sectorielles et les théories de l’Etat. Ces quatre entrées se déclineront de la façon suivante.  

1ère demi-journée : les nouvelles donnes européennes

Le rôle de l’Europe dans les changements d’échelle est une première façon de poser le problème sur au moins deux registres. D’une part, l’Union européenne acquiert des compétences jusqu’alors du ressort d’autres collectivités. L’évolution mérite d’autant plus examen qu’elle se manifeste dans des champs d’intervention très variés (la réglementation, le droit, les lois, la fiscalité…) et qu’elle dépasse les seules prérogatives de l’Union européenne pour s’inscrire dans un mouvement plus vaste d’européanisation des politiques publiques. D’autre part, certains programmes impulsés par l’Union européenne promeuvent explicitement les changements d’échelle en ne finançant les projets qu’à la condition qu’ils se situent à l’échelle de " projets de territoire " situés sur des périmètres politiques et administratifs précis (le quartier, l’intercommunalité, le transfrontalier…). Dans les deux cas, les interventions chercheront à montrer comment l’européanisation de l’espace public véhicule ou impose de nouvelles règles d’interterritorialité et d’inter ou de trans-gouvernementalité.  

2ème demi-journée : les compétitions politiques

La deuxième entrée concerne le champ de la compétition, de la représentation et de la mobilisation politiques. Les comportements électoraux et les façons de faire de la politique sont-ils influencés par les changements d’échelle ? Peu de travaux ont étudié comment ces transformations pouvaient entrer en interférence avec les sphères classiques de la compétition électorale, de l’entreprise politique et de la démocratie participative. La sociologie des élites politiques locales évolue-t-elle par exemple au fur et à mesure que sont transférées des compétences structurantes à l’échelon local ou européen ? Dans cette perspective, les propositions sont invitées à étudier si les changements d’échelle confortent les trajectoires identitaires et les votes contextualisés, s’ils encouragent une professionnalisation du métier d’élu et une homogénéisation (internationalisation ?) des campagnes électorales, ou encore s’ils favorisent le développement de démarches consultatives et de démocratie directe. On peut aussi étudier les effets des changements d’échelle sur d’autres acteurs : les groupes d’intérêts, les groupes cibles des politiques publiques, les usagers… Les changements d’échelle transforment-ils les rapports de force entre acteurs au sein du champ politique ou des sous-champs de politiques publiques ?  

3ème demi-journée : les approches sectorielles

Les changements d’échelle sont-ils corrélables avec des transformations dans les modes d’organisation sectorielle des gouvernements nationaux ? On peut d’une part traiter cette question en se demandant dans quelle mesure les situations diffèrent en fonction de la configuration plus unitaire ou plus fédérale des systèmes nationaux. On peut aussi s’interroger sur les nouvelles philosophies d’action (la co-production, les économies d’échelle, la privatisation, la transversalité…) qui orientent l’intensité et la nature des changements d’échelle. Sans doute certains éléments de réponse sont-ils liés aux spécificités propres à chaque secteur d’intervention publique. De même faut-il étudier les changements d’échelle en regard du brouillage de certains référentiels professionnels ou administratifs. Sur ces différents points, les réformes engagées ces dernières années sur l’intercommunalité urbaine sont de bons terrains de comparaison pour discuter des hypothèses sur la recomposition des filières de services publics. De même l’entrée par la fiscalité peut-elle donner des informations éclairantes sur la façon dont les changements d’échelle bouleversent ou confortent les mécanismes de financement public (notamment en matière d’imputabilité).  

4ème demi-journée : les théories de l’Etat

Enfin, les changements d'échelle qui affectent les politiques et les formes de représentation dans les sociétés modernes doivent nous conduire à nous interroger à nouveau sur les théories de l'Etat. En quoi les changements d'échelle de l'action publique conduisent-ils à poser la question de l'Etat dans des termes nouveaux ? Quel est, notamment, l'impact des processus de globalisation et des processus de décentralisation sur la manière dont on peut conceptualiser la forme "Etat" aujourd'hui ? Comment analyser, en particulier, l'impact des changements d'échelle sur les fonctions régaliennes de l'Etat : défense et sécurité, monnaie, politique fiscale... En quoi et jusqu'où les analyses sur la "gouvernance" marquent-elles une remise en cause des théories classiques de l'Etat ? Dans le même temps, si l’on constate des éléments d'affaiblissement de l'autonomie des Etats-nations, d’autres indicateurs montrent des formes de résistance qui peuvent évoquer un "retour de l'Etat" dans un contexte de complexité des rapports de force internationaux. Existe-t-il des différences entre les domaines d’action publique quant à ces résistances ? Quels sont les facteurs sociaux ou politiques qui freinent les processus de changement d’échelle ?   En définitive, la question sous-jacente aux quatre demi-journées concerne les conditions contemporaines de formatage (de définition et d’énonciation) des règles du jeu de la domination politique. Les changements d’échelle dans la conduite des politiques publiques touchent à la fois à la distribution des ressources et au partage des légitimités entre les différentes figures de l’autorité publique. Ils modifient tout autant les formes effectives d’allocation de moyens (les modalités financières, techniques et pratiques de l’intervention publique) que celles plus symboliques de construction du sens (l’énoncé des représentations du bien commun). De l’Europe, des États, des régions et des métropoles, qui bénéficie, in fine, des vastes recompositions en cours ? Quels sont les niveaux renforcés et affaiblis, les secteurs transformés et protégés ? La table ronde tentera de mettre en correspondance les études qualitatives, les enquêtes quantitatives et les recherches plus théoriques qui favorisent cet approfondissement de connaissances.     Conditions pratiques : Les communications peuvent être rédigées en français ou en anglais. Un abstract de deux pages est demandé jusqu’au 15 février 2005. Les communications retenues ne devront ensuite pas dépasser 40 000 signes (15 pages). Elles seront présentées dans un format standard (Times 12 en double interligne — références bibliographiques à l’américaine) pour éventuelle publication. L’ensemble des textes fera l’objet d’une diffusion via Internet 15 jours avant le Congrès (textes téléchargeables sur une page du site AFSP en .pdf), et ce afin de favoriser les échanges pendant les quatre demi-journées. Les thésards et les jeunes docteurs concernés par la thématique des changements d’échelle sont aussi vivement invités à proposer des communications.   Contacts et informations :

Contacts :

Alain Faure <alain.faure@upmf-grenoble.fr>

Jean-Philippe Leresche <jean-philippe.leresche@unil.ch>

Pierre Muller <muller@msh-paris.fr>

Stéphane Nahrath <Stephane.Nahrath@idheap.unil.ch>

Yannis Papadopoulos <Ioannis.Papadopoulos@unil.ch>

Andy Smith <a.smith@sciencespobordeaux.fr>