Responsables : Bruno CAUTRES et Florence HAEGEL

 

Programme 2009

Programme 2008

Pour en savoir plus...

Son intervention sera discutée par Patrick Le Galès, directeur de recherche CNRS-CEVIPOF et Erik Neveu , directeur de l'IEP de Rennes.
La séance aura lieu au CEVIPOF (salle Georges Lavau) de 10h à 12h30, 98, rue de l'Université 75007 Paris.

Le 4 juillet 2006, le Conseil de l'AFSP annonce la création d'un nouveau groupe de travail de l'AFSP : "Méthodes, observations et données".

La situation de la science politique française vis à vis des questions de méthodes est, aujourd’hui, paradoxale : d’un côté, elle est encore souvent jugée " en retard " en matière d’intérêt porté au débat méthodologique, à la formation, à l’introduction dans ses protocoles de recherches des plus récentes innovations; d’un autre côté, l’on assiste, ces dernières années, à une forme de " retour de la méthode " perceptible dans le renouvellement des questionnements. Ce contexte justifie la création d’un groupe de travail consacré à ces questions au sein de l’A.F.S.P. Celui-ci aura pour objectif de donner corps à ce " retour de la méthode " et de proposer un ensemble d’activités susceptibles d’alimenter et de structurer le débat méthodologique dans la discipline. Il repose sur deux principes de fonctionnement le pluralisme méthodologique et l’articulation des questions méthodologiques et substantives.

Le pluralisme méthodologique

Le groupe privilégiera le pluralisme méthodologique, l’esprit de dialogue et de complémentarité entre familles de méthodes utilisées dans les travaux de science politique. Ce pluralisme fait écho à un débat qui dépasse largement le cas français et s’est, par exemple, exprimé dans la science politique américaine où le monopole quantitatif et modélisateur a pu être remis en cause. Il concerne à la fois les différents secteurs qui constituent la science politique et les types de méthodes utilisés.

Le pluralisme méthodologique dans lequel nous inscrivons la création de ce groupe renvoie aux débats apparus depuis 2002/2001 au sein de l’American Political Science Association, débats curieusement plus relayés en France par l’économie que par la science politique. Ces débats ont mis en question la " domination " qu’exerceraient les modélisations de type quantitatives, dans les méthodes utilisées tout comme dans le choix sélectif des articles publiés dans l’APSR, mise en question qui a pris la forme d’une pétition diffusée par Internet et appelant à une " Perestroika méthodologique ".

En France, les questions de méthodes ont été soulevées dans divers secteurs de la discipline. Elles ont été portées, depuis plusieurs décennies, dans l’analyse électorale ou à l’analyse des comportements politiques (par exemple, débat maintenant historique sur la confection et l’usage sondages ou, plus récemment, l’introduction des expérimentation, la mise en place de panel, le renouveau de l’analyse contextuelle, etc.). Mais il émerge également dans l’analyse des politiques publiques (voir, par exemple, le numéro spécial de la R.F.S.P. consacré aux méthodes dans l’analyse de politiques publiques ou encore les différents ateliers du 8ème congrès de l’A.F.S.P. consacrés en particulier aux techniques et méthodes d’enquêtes dans l’analyse de l’action publique).

Enfin, le " retour de la méthode " que nous identifions s’exprime par l’apport de nouveaux questionnements et l’importation dans la discipline d’outils, de mesure, de méthodes éprouvées dans d’autres disciplines : histoire et démarche socio-historique, psychologie cognitive et raisonnements politiques, données géo-référencées et analyses spatiales des comportements politiques. Il pose la question des échelles d’observation et d’analyse (macroscopique, méso et microscopique) dans la construction des objets de recherche et dans leurs interactions (développements des analyses de types " multi-niveaux " dans plusieurs champs de la discipline). Il s’exprime également fortement dans le domaine de la politique comparée et de l’analyse comparative.

Le pluralisme méthodologique engage évidemment aussi la diversité et la complémentarité des types de méthodes. De ce point de vue, l’objectif du groupe est de permettre, au-delà de d’une certaine rigidité épistémologique, une réelle et féconde discussion entre " quantitativistes " et " qualitativistes ". La tradition " qualitative " est en effet dominante en terme de nombre de personnes qui la pratiquent mais elle demeure peu structurée : les manières de faire restent opaques, les normes professionnelles peu partagées. Elle s’est, de plus, assez profondément renouvelée depuis quelques années. Si l’entretien de recherche reste l’une des méthodologies dominantes aujourd’hui, ses usages et ses pratiques se sont diversifiés et s’étendent jusqu’aux techniques des focus groups. Mais le travail qualitatif inclut de plus en plus l’enquête de terrain et le recours à l’observation; il mobilise également des chercheurs travaillant sur archives et se revendiquant de la sociologie historique. Dans les deux cas, la pratique s’appuie sur des traditions méthodologiques, ethnographiques et historiques, bien établies. Il paraît aujourd’hui légitime de s’interroger sur les effets de l’importation de ces pratiques méthodologiques en science politique.

Au-delà même des enjeux que posent la réalisation d’une enquête qualitative, ceux de l’interprétation qualitative des données mériteraient d’être plus directement posés, de même que devrait être menée une réflexion approfondie sur la manière dont elles conditionnent les possibilités d'analyse secondaire, de capitalisation et de cumulativité des résultats. Les outils et technologies d’analyses des données " qualitatives " ont connu depuis quelques années d’importantes évolutions qui permettent de poser plus clairement qu’avant la question de l’archivage et de l’analyse secondaire (Caqdas par exemple). Enfin, l’hybridation des méthodes est au cœur des débats par le regain d’intérêt pour les techniques de mesure qui se situent à la lisière de l’analyse qualitative et quantitative (questions ouvertes, questionnaires de choix et scripts). L’apport des questions ouvertes, l’utilisation d’analyses des données textuelles permettent de proposer de nouveaux angles d’analyses et d’enrichir les approches de la sociologie politique.

La tradition " quantitative " de son côté, moins dominante dans la science politique française qu’elle ne peut l’être dans d’autres pays, a connu de profonds renouvellements liés à l’apport de méthodes importés d’autres disciplines ou à la diffusion d’outils logiciels. Pour ne prendre que quelques exemples, on peut citer : les modélisations multi-niveaux, utilisées depuis plus longtemps en démographie, épidémiologie, géographie ou sociologie de l’éducation ; les analyses de survie, venues de l’épidémiologie ou de l’économie, et qui permettent d’intéressantes applications pour l’analyse des processus sociaux et politiques ; les modélisations de données, quelle qu’en soit les formes (régressions logistiques, modèles d’équations structurelles, classifications et modèles de classes latentes). La relative " technicité " de ces méthodes, l’appropriation des savoir-faire qui conditionne le développement de leurs usages, rend plus que jamais important le dialogue avec les autres traditions méthodologiques, en particulier " qualitatives ". Ce dialogue interroge, à juste titre, le gain apporté à l’analyse politique par des méthodes toujours plus exigeantes au plan de leur formalisme et des hypothèses qui les sous-tendent.

Ce dialogue a été particulièrement engagé dans le domaine de la politique comparée, avec le développement d’une école " quali-quanti " (AQQ/QCA). Dans ce domaine également, les données produites et méthodes mises en oeuvre dans la tradition " quantitative " ont été mises en questions : quelle est la fiabilité et quelle est la validité des mesures, échelles de mesure et types d’indicateurs selon les contextes ? Le développement de grandes enquêtes comparatives européennes permet de disposer aujourd’hui de données fiables, dont les protocoles et les contrôles de qualité méthodologiques (comme dans le cas de l’European Social Survey) autorisent des analyses comparatives qui ne confondent pas l’expression de différences contextuelles avec les différences méthodologiques. Il convient de tirer un bilan de ces enquêtes et de leurs apports à la discipline. Leur cadre comparatif inscrit ces enquêtes dans le grand retour des questions de contexte (d’espace ou de temps) en science politique : l’erreur " atomistique " (saisir les individus, les groupes ou les organisations hors contexte) est aujourd’hui largement reconnue tandis que s’affirment un paradigme " contextualiste " et que des solutions méthodologiques innovantes proposent de repenser les liens entre les observations et leurs contextes (travaux de Gary King, modélisations multi-niveaux, analyses spatiales). Ces évolutions tendent, incontestablement, des passerelles entre méthodes " quantitatives " et entre celles-ci et les méthodes " qualitatives ", le maillage entre les deux approches devenant le challenge d’avenir.

L’articulation des questions de méthodes et substantives

Il nous semble que, compte de la situation actuelle dans la discipline, le succès d’un tel groupe ne peut être fondé que sur le lien pouvant être établie entre les enjeux de méthodes et les enjeux plus substantifs, d’ordre théorique. Autrement dit, nous n’entendons pas les questions de méthodes comme des questions strictement techniques mais comme des interrogations qui s’inscrivent dans des débats théoriques, conduisent à comprendre les fondements des principales controverses scientifiques, engagent des réflexions sur les cadres d’interprétation du monde social. Par rapport aux groupes existant au sein d’autres associations nationales, en particulier le Political methodology group de APSA, le groupe dont nous proposons la création vise donc moins " l’engineering méthodologique " stricto sensu que l’articulation entre questions substantives et méthodologiques.

Le groupe souhaite articuler dans ses objectifs et activités trois descripteurs : méthodes, observations et données. Il apparaît en effet souhaitable de ne pas restreindre la focale aux seules questions de " méthodes " au sens technique du terme mais au contraire de l’élargir aux interactions entre méthodes, dispositifs d’observations (par enquêtes, monographies, sondages, analyses historiques par exemple) et données (observations codées et constituées sous la forme de " données "). Le groupe entend s’intéresser tout aussi bien à des points de techniques concernant ces trois descripteurs qu’à des problèmes de fond sur la collecte des données, le codage et les catégorisations. Le groupe pourra également étendre ses activités à la présentation et à la discussion de dispositifs d’enquêtes quantitatives ou qualitatives dont la réalisation soulève des questions de méthodes importantes. Il pourrait, enfin, servir de lieu d’échange sur les questions de pédagogie et de didactique des méthodes ainsi que sur les questions de présentation des résultats empiriques dans le cadre des thèses, publications et travaux de recherche. La dimension didactique pourra également être présente dans les activités du groupe afin de confronter les manières d’enseigner la méthode. Elle conduira développer les activités du groupe avec différents groupes d’enseignants et chercheurs : qu’il s’agisse du réseau des IEP ou des départements de science politique au sein desquels des collègues, enseignants-chercheurs ou chercheurs, manifestent un intérêt pour les questions de méthodes dans leurs enseignements.

Types d’activités

Les objectifs revendiqués par le groupe se traduiront par l’organisation de journées d’études et d’activités conduites dans un esprit d’apports mutuels des méthodes. L’une des activités importantes du groupe consistera à réunir et confronter, autour d’une question de recherche différents chercheurs travaillant avec des méthodes très différentes (entretiens qualitatifs, mesures quantitatives, questions ouvertes, analyses historiques, etc.) afin de dégager les résultats communs et divergents, les effets propres de méthode, et de faire émerger des nouvelles questions et chantiers. Des thèmes tels que la compétence politique, les effets des stratifications sociales sur les orientations politiques, la réception des médias, le capital social, la mesure du lien partisan, l’analyse des processus d’institutionnalisation, la mesure des valeurs et systèmes d’attitudes, nous semblent, par exemple, être particulièrement adaptés. D’autres thèmes, autour des complémentarités et/ou tensions entre approches, pourraient également bien se prêter à l’organisation de journées du groupe : l’analyse quantitative des données et la formalisation, le " modèle de l’enquête " et le " modèle du récit ", la théorie des " cadres " (frames) et les analyses de mobilisation, le renouveau des approches de l’opinion publique et des dispositifs d’enquêtes d’opinion (sondages expérimentaux et techniques d’échantillons partagés, questionnaires de choix et scripts de questions, sondages délibératifs).

Le groupe se réunira sur un rythme d’une réunion toutes les 6 à 8 semaines, de manière à conduire de l’ordre de cinq à six activités par an. Les journées d’études et activités devront se traduire sous la forme de publications. Dans l’idéal, le programme d’une année d’activités devrait être cohérent de manière à se traduire à la fin par une publication intégrée du type ouvrage collectif ou numéro de revue. Une réunion fondatrice lancera les activités du groupe. À l’issue de cette réunion fondatrice, un programme de travail pour l’année sera établi. Pour cette réunion, comme pour l’ensemble des activités du groupe, les différents sites de la discipline et ses différentes sous-disciplines ou champs seront sollicités.

Organisation

Le groupe est placé sous la responsabilité de deux animateurs :
. Bruno Cautrès, Chargé de recherche au CNRS, CEVIPOF-Centre de recherches politiques de Sciences Po.
. Florence Haegel, Directrice de recherche à la FNSP, CEVIPOF-Centre de recherches politiques de Sciences Po

Les deux responsables du groupe veilleront à associer doctorants, jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs à l’animation du groupe. Ils lanceront, via le site de l’AFSP, un appel à rejoindre le groupe et proposer des activités. Plutôt que sur un comité scientifique, le groupe s’appuiera sur un réseau, constitué lors de sa réunion fondatrice. Des partenariats pourront s’établir entre le groupe et des équipes ou des sites qui souhaiteront organiser des activités dans le cadre des activités du groupe.