Responsables scientifiques :
Romain BERTRAND (CERI, FNSP)
Myriam CATUSSE (IFPO, chercheur associé à l’IREMAM et au CSPC de l’IEP d’Aix-en-Provence)
Céline THIRIOT (CEAN, IEP de Bordeaux)

Orientations

Au cours de la dernière décennie, interpellée notamment par le développement de la " transitologie " nord américaine, la réflexion sur le comparatisme en sociologie politique a connu de denses débats dévoilant de profondes contradictions : ce sont à la fois les " terrains ", les méthodes et les théories de la politique comparée, voire ses raisons heuristiques, qui sont sur la sellette, ouvrant par là de nouveaux et multiples chantiers de recherche. Chantiers théoriques mais également empiriques dans la mesure où se développent des enquêtes sur de nouveaux " objets ", par exemple à l’échelle européenne ou encore dans des sociétés politiques souvent laissées dans l’ombre par les grands projets comparatistes qui ont longtemps balisé la recherche.

Le groupe se propose de poursuivre la réflexion sur le comparatisme en sciences sociales du politique : plutôt que la comparaison " polémique " (par contraste d’idéaux-types) ou que la comparaison de " performances ", mesurables souvent à l’aune d’écarts entre ce qui est et ce qui devrait être, notre attention porte sur les tensions problématiques entre la tentation à l’universalisation (ou du moins à la montée en généralité de processus qui peuvent se répéter ou se décliner de contextes en contextes) et celle de la fidélité à l’égard la singularité et l’histoire concrète des cas étudiés, à leur mise en récit particulière (qui peuvent faire l’objet de savoirs spécialisés). Notamment, après les travaux pionniers (souvent d’historiens) sur la sociogenèse de catégories ou de groupes, les processus d’étatisation de la société, la professionnalisation du politique ou encore de l’acte de vote, le " retour de l’histoire ", en termes de " dépendance au sentier " par exemple ou encore de " néo-institutionnalisme ", en sociologie politique nous parait proposer d’intéressants défis à la démarche comparatiste. Si la littérature est riche pour montrer à quel point compte l’histoire, reste à creuser la question de savoir comment jouent les lieux — dès lors qu’on écarte l’explication évolutionniste.

Pour éviter l’anachronisme, l’ethnocentrisme, ou plus simplement l’étirement conceptuel, ces questions nous conduisent à prêter attention aux articulations entre nos catégories d’explication et celles de l’entendement des acteurs étudiés. Elles questionnent également le projet comparatiste en tant que tel et engagent par là tout particulière à examiner les logiques de construction de nos objets : Compare-t-on pour décrire (et alors comment choisir " l’histoire " la plus pesante) ? Comme prélude à l’action (au nom des " leçons " du passé) ? Ou encore en guise de traduction et de dispositif d’explication ? La démarche sociohistorique sert-elle à tester une théorie ou dessiner un processus ? Comment choisir les cas et les échelles de la comparaison ?

A cette fin, nous privilégierons une analyse des usages pratiques d’un ensemble de dispositifs notionnels issus de la sociologie historique du politique, et nous nous interrogerons également sur les conditions pratiques de l’exercice du " métier " de politiste comparatiste au sein de l’espace disciplinaire. Nous désirons à cette fin multiplier les occasions de dialogue et de coopération avec des collectifs de recherche déjà constitués, ainsi qu’avec d’autres groupes de travail, en particulier de l’AFSP, de l’ECPR et de l’IPSA.

Programme de travail

Le programme de travail du groupe pour l’année 2006-2007 se déclinera autour de trois axes articulés les uns aux autres, qui donneront lieu à l’organisation de journées d’études ainsi que d’un atelier dans le cadre du congrès de l’AFSP à Toulouse fin 2007.

1. Le premier axe a trait au renouveau de la sociologie historique de " l’Etat ". Celle-ci s’est en effet enrichie, depuis les publications-phares des années 1970 et 1980 sur les origines sociales des régimes et des modes de gouvernement (B. Moore, P. Anderson, C. Tilly, T. Skocpol), d’un ensemble conséquent de travaux. Dans le sillage des analyses de l’Etat " au concret " (J.-M. Weller, V. Dubois) et de la critique des typologies rigides et organisées de façon téléologique de la " transitologie " (G. Hermet, M. Camau), l’étude des processus décisionnels et de mise en œuvre de l’action publique s’est faite plus précise, en se donnant pour ambition de banaliser leur traitement méthodologique en recourant aux outils ordinaires de la sociologie politique. Si d’aucuns ont reformulé la question de la part respective des dynamiques " internes " et " externes " dans le processus de formation de l’Etat, en problématisant la logique d’" extraversion " inhérente au développement des appareils de domination en mondes africains et asiatiques (J.-F. Bayart, Y. Chevrier), si l’on a pu s’opposer sur le caractère importé ou greffé de l’Etat dans des sociétés " extra-occidentales ", la comparaison de la genèse et des métamorphoses de l’Etat s’est toutefois rarement aventurée hors des sentiers de l’Europe occidentale. Nous proposons au contraire de travailler sur les " cartographies " socio-historiques possibles de l’Etat, en élargissant les frontières de la réflexion et les points de vue : analyser les espaces variés, complexes et pluriels de l’Etat, les formes d’étatisation de la société, le caractère social et historique d’institutions plus ou moins différenciées, etc., en dégageant l’analyse du prisme de la " dynamique de la l’Occident ".

A cette aune, l’analyse comparée déterre avec originalité l’objet " Etat ", relégué ces dernières décennies au cimetière des objets peu dignes d’intérêt : dans les démocraties occidentales parce qu’il serait finalement débordé par " en haut " et par " en bas ", et dans les systèmes autoritaires, parce qu’il s’y réduirait à sa seule fonction coercitive. Au contraire, l’Etat peut ne plus être seulement envisagé sous les traits du territoire de la règle bureaucratique, mais aussi comme le lieu de l’énonciation d’une vision idéologique ou morale du pouvoir. Qu’il soit " proche " de l’histoire de l’Europe occidentale ou " lointain ", sa conceptualisation s’est transformée, quittant définitivement les eaux troubles de l’exceptionnalisme culturaliste et invalidant l’image d’une boîte noire homogène. Le recours aux outils comparatifs d’une part, à ceux de l’histoire de l’autre, offre par voie de conséquence d’intéressantes pistes de réflexion sur les (trans)formations de(s) l’Etat(s). En pensant " grand " (Skocpol), " petit " ou " intime " (Déloye), en interrogeant aussi bien des travaux macro-historiques que des études de cas à caractère ethnographique, nous aimerions nous intéresser plus particulièrement aux formes différenciées de territorialisation de l’action publique, depuis celles liées à la genèse des dominations bureaucratisées jusqu’à celles qui autorisent et accompagnent la mise en œuvre de l’action publique contemporaine.

C’est ce premier axe de travail que nous nous proposons d’entamer dans le cadre de l’organisation d’un module au 9ème congrès de l’AFSP à Toulouse en septembre 2007 :

" Le social dans tous ses Etats : comparer la formation et la transformation des Etats ". (voir site congrès)

2. Le deuxième axe a trait à la sociologie comparée des processus de compétition politique, et notamment à l’étude des pratiques de vote, des modes de recours aux ressources de violence et des dynamiques de construction des légitimités notabiliaires. Rares encore il y a quelques années, les travaux portant sur l’exercice des métiers politiques en situations non-européennes se sont multipliés. Les figures de l’électeur, du candidat et du parlementaire ont ainsi fait leur réapparition dans l’analyse sociologique du fonctionnement ordinaire des sociétés politiques d’Afrique, d’Asie, du Maghreb ou d’Amérique Latine — se substituant aux tropes du " chef ", du " dirigeant tribal " ou du " cacique ". L’ethnographie du moment électoral reste un champ d’analyse particulièrement intéressant, dès lors qu’y sont mises en œuvre (et à l’épreuve) des catégories génériques de l’entendement politologique longtemps réservées aux " démocraties consolidées " du monde dit " occidental ". Nous souhaiterions engager une réflexion sur l’usage comparé de ces catégories (par exemple celles de " notable " et de " clientélisme " ou de " citoyen " et de " représentation ") ainsi que des schèmes d’analyse qui leur sont usuellement associés (l’analyse stratégique, la théorie de la mobilisation des ressources, etc.). Il s’agit alors d’interroger, toujours d’un point de vue sociohistorique, les logiques de la " civilisation électorale ", à l’aune des catégories et représentations du politique qu’elle a produit. Ainsi en est-il des travaux contemporains portant sur les processus de " politisation " ou de " dépolitisation " des attitudes et des agir politiques.

3. Le dernier axe concerne la pratique du " métier " de politiste comparatiste. Il s’agit ici de s’interroger sur l’évolution institutionnelle du comparatisme en sciences politiques depuis une dizaine d’années. Les pré-requis en matière de compétences comparatistes se sont modifiés du tout au tout. L’exigence de la maîtrise en nom propre de l’accès au " terrain ", tant au plan linguistique qu’ethnographique, a ainsi favorisé des collaborations poussées entre politistes comparatistes et spécialistes d’" aires culturelles " (orientalistes, islamologues). Mais dans le même temps, le projet d’une banalisation accrue du traitement théorique et méthodologique des situations politiques " non-européennes " s’est affirmé. Il s’agit donc désormais de travailler " là-bas ", sur des lieux " autres " ou " similaires " du politique, mais avec l’ensemble des outils disciplinaires de l’analyse : ceux de " l’ici " - en l’occurrence principalement d’où l’on parle, un groupe de travail situé à l’AFSP -, dont il importe de questionner les possibilités du voyage. La banalisation de la lecture du politique " là bas " permet en retour de forger, hors des " démocraties représentatives occidentales ", de nouvelles grilles de lecture et de nouveaux outils d’analyse. Il s’agit également de faire circuler nos recherches, en deçà ou au-delà de cette division internationale des sciences sociales (qui justifierait appuierait cette géographie de " l’ici " et du " là-bas ") en délocalisant et en internationalisant le plus possible notre réflexion.

De ce point de vue, ce projet place souvent en porte-à-faux les praticiens de la sociologie politique comparative. Il soulève notamment deux types de problèmes. D’une part, celui de la construction d’objets, et par là de " terrains " comparés. D’autre part, la question du " rapport au terrain " : non seulement comme ensemble de pratiques d’accès au domaine d’enquête, mais surtout comme registre d’autorité académique et comme ressource d’expertise dans les champs non-universitaires du savoir sur " l’international ". C’est sur cette grammaire nouvelle du métier comparatiste que nous souhaiterions nous interroger, ainsi que sur la question de l’enseignement universitaire contemporain de la " politique comparée ", et ce afin de mieux circonscrire la place actuelle du comparatisme en sciences politiques. Cette interrogation pourra prendre la forme d’une table-ronde associant plusieurs types de praticiens ou d’usagers de la recherche comparatistes (chercheurs et enseignants-chercheurs, directeurs de collections spécialisées, gestionnaires du financement public de la recherche comparatiste, commanditaires privés d’études, etc).


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Responsables : Olivier Dabène et Dominique Darbon

14-16 décembre 2006 : Colloque co-organisé par les groupes Politique comparée et GAEL de l'AFSP : "L'Amérique Latine aux urnes"
Pour en savoir plus...
Pour télécharger le programme au format PDF...

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Responsables : Olivier Dabène et Dominique Darbon

L'activité du groupe "Politique comparée" s'articulera autour du projet intitulé " Changer de politiques : changement et réformes dans la gestion publique à l’épreuve de l’analyse comparée ".
Pour en savoir plus sur ce projet et son calendrier, cliquez ici...

Les dates pour 2005 :

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Responsables : Olivier Dabène et Dominique Darbon

Créé en 2003 pour accompagner et accélérer la salutaire relance du comparatisme perceptible en France depuis quelques années, notamment dans le choix des sujets de thèse de science politique, le groupe " Politique comparée " a lancé ses travaux en abordant le thème des élections aux résultats inattendus, étudiées lors de deux réunions (IEP d’Aix-en-Provence, 3 juillet ; CERI, 15 décembre), organisées en coopération avec le Groupe d’analyse électorale (GAEL).

Nous pouvons d’ores et déjà tirer trois enseignements de ces débuts :

Pour 2004, le Groupe entend aborder le thème de l’action publique, cette fois en coopération avec le Groupe " Politiques publiques ". Il se réunira en été à Bordeaux et en hiver à Paris.

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Responsables : Olivier Dabène et Dominique Darbon